HONEGGER ARTHUR (1892-1955)
Avec Georges Auric, Louis Durey, Darius Milhaud, Francis Poulenc et Germaine Tailleferre, Arthur Honegger fait partie, en 1920, du groupe des Six, c'est-à-dire de la révolution musicale parisienne d'après la Première Guerre mondiale.
Avec le Roi David, en 1921, il la transcende et se hisse, en pleine gloire, au classicisme intemporel. Depuis cet oratorio, et jusqu'à la fin de sa vie, il compose selon son génie, sans se soucier des écoles et des modes. Après sa mort, alors que les novateurs du jour relèguent son œuvre, le public lui fait fête et elle se dresse comme celle d'une des grandes personnalités du xxe siècle de la musique.
Un Suisse parisien
Né au Havre, de parents suisses, Arthur Honegger a gardé son passeport suisse toute sa vie, et c'était là pour lui plus qu'une commodité, l'expression d'une vérité qu'il ressentait profondément, celle d'une appartenance ancestrale à cette communauté suisse alémanique, branche essentielle du germanisme, qui a produit des écrivains comme Gottfried Keller et Conrad Ferdinand Meyer, et dont lui-même allait être un des protagonistes musicaux les plus puissants du xxe siècle. Mais Arthur Honegger a noué, encore enfant, des liens capitaux avec son pays comme élève du conservatoire de Zurich, en faisant aussi sa vie durant des séjours périodiques en Suisse, où certaines de ses œuvres les plus importantes ont été créées. En même temps, depuis son adolescence, lorsqu'il était l'élève de Lucien Capet, d'André Gédalge, de Charles Marie Widor et de Vincent d'Indy au Conservatoire national de Paris, et jusqu'à sa mort tragique et prématurée, à l'âge de soixante-trois ans, à son domicile parisien, il est resté un enfant du pavé de Paris le plus caractéristique, celui du Montmartre de la place Clichy, dont il pouvait contempler l'animation diurne et nocturne de ses fenêtres. De ce Paris, rien ne l'aurait séparé, et tout l'y attachait, ses amitiés, ses affections, ses grandes amours, sa gloire et le rôle qu'il y joua, essentiellement dans la vie musicale de l'entre-deux-guerres. Lorsque au cours d'une tournée américaine, en 1947, son cœur faillit brusquement s'arrêter et que, miraculeusement sauvé, il put regagner l'Europe, c'est à Paris qu'il revint, pour y vivre encore huit ans d'une vie physiquement diminuée, et y composer avant de s'éteindre ses derniers chefs-d'œuvre qui portent tous l'empreinte de la mort prochaine et sont, comme sa Cinquième Symphonie, déjà autant de Requiems.
Tout au long de sa vie et de sa musique se manifesta la double appartenance nationale et sentimentale d'Arthur Honegger. Ami et camarade de Conservatoire de Darius Milhaud, lié avec Francis Poulenc, il se trouva faisant partie de ce groupe d'amis si disparate qu'Henri Collet baptisa « groupe des Six » et qui fut « animé » par Jean Cocteau. Mais ce dernier plaidait pour le jazz nouvellement importé et pour la musique de cirque, et voulait faire d'Erik Satie le père spirituel du groupe. Aussi, très vite, Honegger s'en détacha-t-il avec une certaine violence, et il alla composer en Suisse, sous l'aile protectrice du mécène de Winterthur, Werner Reinhart, son Roi David, créé en 1921 au théâtre du Jorat, à Mézières, en Suisse romande, sur un texte français du poète René Morax son compatriote. De cette œuvre bâtarde, tenant du théâtre et de l'oratorio, mais géniale par sa musique grande et simple et généreusement inspirée, il sut extraire cet « oratorio avec récitant » qui, créé deux ans plus tard à la salle Gaveau, à Paris, fit passer un souffle d'air pur sur les faibles productions d'une certaine musique française d'après 1918, encouragea Milhaud, Poulenc et même Auric dans leurs propres aspirations secrètes. Honegger devint presque du jour au lendemain le musicien[...]
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Écrit par
- Antoine GOLÉA : critique musical
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