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SCHNITZLER ARTHUR (1862-1931)

Arthur Schnitzler - crédits : Culture Club/ Getty Images

Arthur Schnitzler

L'œuvre considérable du romancier et dramaturge viennois Arthur Schnitzler, moraliste lucide qui fut aussi l'auteur d'un des journaux personnels les plus importants du xxe siècle, analyse non sans pessimisme la dégradation des valeurs individuelles et culturelles. La crise du sujet qu'il représente dans ses fictions et dans ses drames rencontre en bien des points la pensée de Freud, qui lui écrivait : « J'ai eu l'impression que vous saviez intuitivement – ou plutôt par suite d'une auto-observation subtile – tout ce que j'ai découvert à l'aide d'un travail laborieux pratiqué sur autrui. »

Fils d'un médecin renommé professeur à l'université de Vienne, Arthur Schnitzler était issu de la bonne bourgeoisie juive et avait fréquenté, comme son cadet Hugo von Hofmannsthal, le prestigieux lycée classique Akademisches Gymnasium, avant de commencer des études de médecine qui devaient le conduire jusqu'au doctorat, obtenu en mai 1885, et aux fonctions de médecin assistant à l'hôpital général et à la polyclinique de Vienne à partir de septembre 1885.

Un romancier du rêve

Ayant travaillé dans le service du psychiatre Theodor Meynert, familier des techniques psychothérapeutiques de l'hypnose et de la suggestion, parsemant ses œuvres d'études de cas qui semblent sorties des annales de la clinique, Schnitzler a souvent été considéré comme le « double » de Sigmund Freud. C'est le fondateur de la psychanalyse en personne qui rendait ainsi hommage à l'écrivain en saluant en lui son Doppelgänger.

Dans sa lettre à Arthur Schnitzler du 14 mai 1922, écrite à l'occasion du soixantième anniversaire de l'écrivain, on trouve la formule : « Pourquoi, en vérité, durant toutes ces années, n'ai-je jamais cherché à vous fréquenter et à avoir avec vous une conversation ? [...] Je pense que je vous ai évité par une sorte de crainte de rencontrer mon double. » Les membres du cercle de Freud s'intéressèrent très tôt à Arthur Schnitzler. Theodor Reik, Hanns Sachs et Alfred von Winterstein lui consacrèrent des travaux. L'ouvrage de Reik, Arthur Schnitzler psychologue, date de 1913.

De son côté, Schnitzler fut un des premiers lecteurs de L'Interprétation des rêves, avant de s'affirmer lui-même comme un des plus grands romanciers du rêve. Mais il portait sur la psychanalyse le même regard de moraliste que sur la vie psychologique de ses personnages. Il considérait l'inconscient et le « destin de pulsions » qui dominent le sujet freudien comme une construction théorique susceptible de servir de disculpation, voire de justification, à l'amoralité du désir. Dans La Nouvelle rêvée (1926) que le film de Stanley Kubrick Eyes Wide Shut (Les Yeux grand fermés, 1999) a remise au goût du jour, Fridolin quitte la sage vie quotidienne et connaît des plaisirs défendus : des conquêtes faciles, une orgie érotique. Le passage de la normalité bourgeoise à une société secrète où s'accomplit la transgression permet à Schnitzler des effets de fantastique, fondés sur l'hésitation du lecteur et des personnages qui se demandent : sommes-nous dans la réalité ou dans le rêve ? C'est la femme de Fridolin, Albertine, qui a rêvé pour de bon. Dans son rêve, elle a fait l'amour avec l'homme qu'elle avait désiré pendant ses vacances. Elle a aussi vécu en rêve une scène d'orgie au cours de laquelle elle faisait l'amour avec une foule d'hommes inconnus.

Un autre point de convergence entre l'écriture de Schnitzler et la psychanalyse freudienne est le monologue intérieur. Dans Le Sous-lieutenant Gustel (1900), on considère que Schnitzler fut le premier auteur de langue allemande à reprendre la technique narrative du monologue intérieur qu'avait expérimentée le Français Édouard Dujardin[...]

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