SCHNITZLER ARTHUR (1862-1931)
Schnitzler dramaturge
Il arrive aussi que Schnitzler ranime des formes traditionnelles, comme celle du drame historique. Ses pièces les plus réussies dans ce registre sont Au perroquet vert (1898), qui évoque le déclenchement de la Révolution française sur le mode d'une satire grinçante très originale, et Le Jeune Médard (1909), un drame conçu pour le centenaire de la bataille d'Aspern qui, en 1809, avait fait vaciller un instant la suprématie de l'empereur face à l'armée autrichienne.
Comme la clientèle des cabarets montmartrois de la fin du siècle, les habitués du Perroquet vert sont des mondains à qui le patron, Prospère, s'entend à donner le frisson en évoquant l'actualité. L'action se passe un 14 juillet 1789. Les thèmes révolutionnaires sont dans l'air. Les acteurs du Perroquet vert vont ce jour-là émoustiller leur public en jouant les sans-culottes et en chantant des airs séditieux. Soudain, un meurtre est commis, qui n'a rien d'un simulacre. La scène du Perroquet vert où l'on s'amuse à jouer la révolution devient le théâtre d'actions tragiquement révolutionnaires. La place de la Bastille ne serait-elle qu'une autre scène où se jouerait une gigantesque farce ?
Le Jeune Médard, lui, porte un regard critique, sceptique et moraliste sur un lieu de mémoire du patriotisme autrichien. Ce n'est pas le mythe napoléonien que Schnitzler entreprend de démystifier, car ce mythe n'a jamais été bien vivace en Autriche, mais celui de la résistance héroïque des Viennois à l'ogre corse. Comme dans Au Perroquet vert, un crime passionnel interfère avec le projet d'attentat patriotique contre Napoléon. En tuant la femme fatale qui l'a égaré, Médard sauve le pire ennemi de l'Autriche.
Arthur Schnitzler a tiré le meilleur parti des formes éprouvées du théâtre réaliste. Le personnage de Friedrich Hofreiter, dans son drame psychologique le plus réussi, Terre étrangère (Das weite Land, 1911), est le prototype de l'homme schnitzlerien, inscrit dans la logique d'autodestruction du système patriarcal : destruction de la structure familiale, autodestruction du mâle qui met en jeu sa propre vie à tout propos. Alors que Hofreiter trompe sa femme sans trop chercher à s'en cacher, il n'accepte pas que celle-ci le trompe et insulte le jeune officier qui est son amant pour l'affronter dans un duel au pistolet, où il le tue. Le nihilisme, le cynisme, le mépris de l'existence et de la personnalité d'autrui, mais aussi de sa propre existence, vont chez Hofreiter de pair avec la passion du jeu.
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Écrit par
- Jacques LE RIDER : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
Classification
Médias
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