EDDINGTON ARTHUR STANLEY (1882-1944)
Les théories relativistes
Mais ces découvertes ne sont pas seules à contribuer à la célébrité d'Eddington ; il est aussi devenu l'un des plus notables parmi les théoriciens de la relativité, encore peu nombreux à l'époque. Tenu au courant dès 1916, par l'astronome hollandais Willem de Sitter, des plus récents mémoires d' Einstein, Eddington en mesure aussitôt la portée et il devient en quelques mois un défenseur et un promoteur de la théorie de la relativité, dont il donne en 1918, dans son Report on the Relativity Theory of Gravitation, le premier exposé complet en langue anglaise. En 1919, il réalise la première vérification de la déviation relativiste des rayons lumineux par les masses. Or, en 1920, dans Space, Time and Gravitation, ouvrage destiné au grand public, on voit déjà que la relativité est, pour Eddington, plus qu'une théorie physique, l'assise positive d'une philosophie de la nature et de la science. La Mathematical Theory of Relativity, publiée en 1923, un des chefs-d'œuvre, selon Einstein lui-même, de la littérature relativiste « classique », est aussi une œuvre originale où s'annoncent les conceptions philosophiques qu'Eddington développera plus tard, et les idées directrices de ses dernières œuvres de physique théorique.
À partir de 1927 se produit dans la carrière intellectuelle d'Eddington une inflexion décisive : de plus en plus attiré par la réflexion philosophique, il y est aussi incité par sa réputation de savant original et créateur, invité à présenter plusieurs séries de lectures dans diverses universités, sur des sujets généraux ; il en publiera les textes de 1928 à 1939 dans une suite d'ouvrages où s'élabore au fil des ans une véritable philosophie, dont, à cette époque, divers événements du monde scientifique contribuent à déterminer les éléments et l'orientation ; en 1927, le mathématicien belge Georges Lemaître construit un modèle relativiste d'Univers fini ; il démontre que le red shift, déjà bien observé, des nébuleuses, manifeste une propriété géométrique structurale. La mécanique quantique a d'autre part pris son essor et s'engage irréversiblement dans des voies nouvelles. Parmi les promoteurs de cette physique inconnue, son jeune compatriote Paul Dirac intéresse particulièrement Eddington parce qu'il fait usage d'un formalisme algébrique original, qui s'éloigne des intuitions géométriques sur lesquelles se fondait la science classique, et parce qu'il s'avance plus loin que les autres dans la voie d'une synthèse théorique entre la nouvelle mécanique et la relativité. Ces évolutions simultanées de la cosmologie et de la physique subatomique, bien qu'appartenant à des domaines très éloignés de la science positive, se rejoignent cependant dans l'esprit d'Eddington pour l'encourager à entreprendre la recherche qui l'occupera presque exclusivement pendant les dix dernières années de sa vie.
Il va tenter de réunir en un système physico-mathématique unique fondé sur des principes épistémologiques (les conditions nécessaires des opérations de mesure des phénomènes observés dans un cadre spatio-temporel) l'ensemble du savoir acquis par la physique fondamentale, depuis les particules élémentaires jusqu'à la totalité de l'Univers. La première tâche à laquelle il s'attachera et sur laquelle il reviendra sans cesse sera de mettre en évidence le caractère fondamental de certaines constantes numériques dont il pense qu'elles ne sont qu'en apparence d'origine expérimentale. Ce projet, bientôt jugé fascinant par les uns, délirant par les autres, se réalisera progressivement, à travers toutes sortes de détours et d'inflexions, dans divers mémoires et ouvrages, entre la Relativity Theory of Protons[...]
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Écrit par
- Jacques MERLEAU-PONTY : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de philosophie, docteur ès lettres, professeur d'épistémologie à l'université de Paris-X-Nanterre
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