LOURIÉ ARTHUR VINCENT (1892-1966)
Compositeur américain d’origine russe, Lourié est l’exact contemporain de Prokofiev. Il naît, le 14 mai 1892, à Saint-Pétersbourg, d'une mère juive qui lui apprend très tôt le piano. Il se convertira en 1913 au catholicisme. Il fréquente les milieux d'avant-garde de la capitale impériale et se lie à deux poètes qui vont marquer le xxe siècle, Alexandre Blok et Anna Akhmatova. Il étudie au Conservatoire sans en passer les examens, prend des leçons privées auprès d'Alexandre Glazounov. Celui-ci ne le détourne pas de ses recherches modernistes alors qu'il compose ses premières pièces pour piano, lesPréludes fragiles (1908), poèmes au romantisme encore perceptible. Les influences conjointes de Rachmaninov, Scriabine et Debussy le mènent aux frontières du dodécaphonisme (deux Poèmes, op. 8), à l'écriture modale (Masques, op. 13, sept pièces modales postscriabiniennes aux indications évocatrices : « Nuagé, suave » ; « Caché, avec une ironie suave » ; « Avec une grâce fragile » ; « En un mystère calme et profond » ; « Étrange, charmé » ; « Très lent, calme » ; « Pâmé »), puis aux règles sérielles (Synthèses, op. 16, qui dénotent l'influence de l'op. 11 contemporain de Schönberg). Les trois Sonatines, puis Formes en l'air (1915), trois pièces dédiées à Picasso, marquent sa volonté d'associer, ne serait-ce que par la disposition graphique des notes, art visuel et art sonore. En septembre 1918, le commissaire à la Culture de Lénine, Lounatcharski, le convainc d'accepter le poste de commissaire du peuple chargé de la musique et de l'édition au ministère de l'Éducation. Pendant quatre ans, il met son influence de pionnier au service des bolcheviks, disposant d'une liberté totale, sans être pour autant dupe de l'encadrement idéologique et de la manipulation dont la création est déjà l'objet.
Envoyé à Berlin en 1922, il reste sur place, décidé à poursuivre ses études de piano, et rejoint la classe de Busoni, puis émigre en France. Le public français semble avoir oublié ce musicien russe, alors qu'il a vécu à Paris de 1924 à 1940, menant une carrière de pianiste-compositeur qui n'avait rien à envier à celle de Stravinski ou de Prokofiev à la fin des années 1920. Lourié se lie d'amitié avec le critique Louis Laloy et avec Jacques Rouché, qui le présente aux instrumentistes et chefs d'orchestre en activité, Ansermet, Koussevitzky, Désormière... Il devient un compositeur à la mode avec les créations de la Sonata liturgica (1928), du Concerto spirituale (1929), pour piano solo, voix et orchestre (sans bois ni cordes aiguës), partitions modales teintées de tradition vocale orthodoxe byzantine. Ses deux symphonies – no 1, Sinfonia dialectica (1930-1932), créée par Stokowski à Philadelphie, reprise par Furtwängler, Koussevitzky, Mengelberg et Münch (à Paris), et no 2, Kormtchaïa (1935-1939) – bornent sa période d'éphémère gloire parisienne. Le grand balletLe Festin durant la peste (1935), d'après Pouchkine, voit ses répétitions à l'Opéra de Paris (1940) interrompues par la guerre. Lourié en tire une version oratorio pour soprano, chœur mixte et orchestre donnée à Boston le 5 janvier 1945. Sa rencontre avec le couple Raïssa et Jacques Maritain, lié au renouveau thomiste des années 1920, l'engage sur un itinéraire spirituel qui l'éloigne progressivement de la vie publique. En 1940, il émigre aux États-Unis, adopte la nationalité américaine en 1947 et meurt, totalement ignoré, le 13 octobre 1966, à Princeton, au domicile des Maritain.
Aux États-Unis, Lourié a composé essentiellement des partitions religieuses, comme De ordinatione angelorum (1942), pour baryton, chœur et cuivres, sur un texte de saint Thomas d'Aquin, A Cristo crucificado ante el mar (1946),[...]
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Écrit par
- Pierre-É. BARBIER : producteur à Radio France, musicologue
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