ARTICLE 16 (Constitution française de 1958)
Dans la Constitution française du 4 octobre 1958, l'article 16 autorise, en cas de nécessité, le président de la République à exercer une dictature temporaire, au sens romain du terme. Il introduit dans la Constitution un régime d'exception prévu pour faire face à une crise institutionnelle particulièrement grave. Il dispose en effet, dans son premier paragraphe : « Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances. »
Ainsi, les hypothèses dans lesquelles le président de la République peut recourir à l'article 16 supposent l'existence cumulative de deux conditions de fond. La première, subjective et imprécise, puisqu'il peut ne s'agir que de menace sur les institutions, pourrait servir de prétexte au chef de l'État pour se saisir du pouvoir absolu en cas de menace prétendue ou provoquée, au gré de sa propre appréciation de la situation en cause. Mais la seconde condition, exigée de façon concomitante, est heureusement objective et plus précise, puisqu'il faut que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics soit interrompu. Notons que c'est le président de la République qui apprécie seul et souverainement si ces deux conditions sont réunies. Il doit certes consulter le Premier ministre, les présidents des assemblées, et le Conseil constitutionnel, mais cette consultation n'est qu'une formalité, puisqu'il ne s'agit pas d'avis conformes. Cependant, l'avis du Conseil constitutionnel doit être motivé et publié (ordonnance du 7 nov. 1958, art. 53), ce qui lui confère une plus grande portée. Le chef de l'État doit également informer la nation par un message.
L'entrée en vigueur de l'article 16 a pour effet d'habiliter le président de la République à prendre « les mesures exigées par les circonstances ». Ce qui signifie que le président concentre entre ses mains tous les pouvoirs de l'État, exécutif et législatif. Il doit seulement consulter le Conseil constitutionnel sur les mesures prises pour faire face à la situation. Les pouvoirs exorbitants du chef de l'État rencontrent cependant deux limites. La première est l'interdiction de prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale pendant la période d'exercice des pouvoirs exceptionnels ; le Parlement se réunit de plein droit pendant toute la durée de celle-ci. Pour éviter la présence de deux pouvoirs législatifs concurrents, celui, normal, du Parlement, et celui, exceptionnel, du président de la République, l'article 16 n'a reconnu au Parlement le droit de continuer à exercer ses pouvoirs législatif et de contrôle habituels que « pour autant qu'il ne s'agisse pas de mesures prises ou à prendre en vertu de l'article 16 ». Le président de l'Assemblée nationale a décidé de son côté qu'une motion de censure ne pouvait pas être déposée contre le gouvernement pendant toute la durée des pleins pouvoirs. Mais ces restrictions aux droits du Parlement ne sont pas inscrites dans la Constitution.
La seconde limite concerne la finalité même de l'article 16. En effet, celui-ci n'autorise pas le chef de l'État à procéder, par le biais de la dictature temporaire qu'il lui permet d'instaurer, à une révision de la Constitution. Il peut tout au plus suspendre l'application de certains articles. Les pouvoirs de l'article 16 n'ont pour seule fin que de tendre au rétablissement du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, et cela « dans les moindres délais ». En conséquence, la durée de son application[...]
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Écrit par
- Annie GRUBER : assistante en sciences juridiques à l'université de Paris-V-René-Descartes
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