ARTS DE LA RUE
Des compagnies corsaires
Alternatifs par option ou par obligation, les artistes de la rue apprécient l'accueil des hauts lieux du spectacle que sont les centres dramatiques et les scènes nationales. Mais peu se risquent à en briguer la direction. Le Kosmos Kolej de Wladislaw Znorko, invité à Avignon en 1990 et 1993, a contracté l'habitude de travailler au couvert des institutions théâtrales. Le parachutage du Théâtre de l'Unité au Centre d'action culturelle de Montbéliard (aussitôt rebaptisé Centre d'art et de plaisanterie) précéda de peu l'atterrissage de son Avion sur l'esplanade du Palais des papes en 1992. Cette position a permis à Jacques Livchine et Hervée de Lafond de convoquer de joyeuses manifestations de rue dans la cité de l'automobile. De même, l'implantation du Prato (Théâtre international de quartier) dans un quartier populaire de Lille n'empêcha pas Gilles Defacque de déployer quelques espiègleries au grand air. Les artistes de rue trouvent parfois un appui auprès d'établissements comme Culture commune, scène nationale sise sur l'ancien site minier 11/19 de Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais). Il reste que, dans l'ensemble, les responsables des salles subventionnées demeurent réservés à l'égard de ces arts corsaires. Pour inaugurer, conclure ou compléter leur saison, afin de rassurer les autorités sur leur penchant démocratique, histoire d'attirer des chalands intimidés par les solennités, ils sont tout de même tentés de programmer des spectacles en dehors du cadre conventionnel. L'Office national de diffusion artistique (O.N.D.A.) les y encourage depuis 1999 à travers son réseau.
Ces achats s'ajoutant à ceux des communes, sans compter de rares commandes, n'empêchent pas que l'argent manque à l'amorce de la création. Contrairement à leurs semblables du théâtre et de la danse qui bénéficient de parts de coproduction, la plupart des compagnies doivent financer sur leur trésorerie l'élaboration du projet, la réalisation des décors, la confection des costumes et souvent la majeure partie des répétitions. Afin de garantir leur accès au public, les compagnies s'efforcent de vendre aux services et offices culturels des villes un maximum de représentations, complétées d'actions dans les écoles ou les quartiers, en suivant le calendrier des festivals dont le nombre a plus que triplé en France de 1990 (80) à 2006 (250). Les rendez-vous spécialisés des Pronomades (Haute-Garonne), de Cognac (Coup de chauffe), Nevers (Zaccros d'ma rue), Sotteville-lès-Rouen (Viva Cité), Morlaix (Mai des arts de la rue), Villeurbanne (Les Invités), et les éditions pluridisciplinaires comme Paris Quartiers d'été, les Inattendus de Maubeuge, Mimos à Périgueux dessinent un vaste circuit. À défaut d'être conviés et défrayés partout, les artistes entreprennent le déplacement à leurs frais, dans l'espoir de séduire des programmateurs. Outre la servitude économique, les arts de la rue subissent la contrainte politique, car les maires achètent moins le talent dérangeant que la faculté de rassembler.
Plusieurs compagnies françaises ont acquis une réputation qui leur procure commandes et recettes à l'extérieur des frontières, de préférence avec le truchement de CulturesFrance (ex-Association française d'action artistique) auprès du ministère des Affaires étrangères. Quatre d'entre elles (Transe Express, Les Passagers, Malabar, Carabosse) furent ainsi invitées à Moscou pour les Olympiades de théâtre en juin 2001. Dans les festivals européens de Gand et Namur (Belgique), Galway (Irlande), Terschelling (Pays-Bas), Poznan (Pologne), Sibiu (Roumanie), Stockton (Royaume-Uni), Ljubljana (Slovénie), fédérés dans le réseau Eunetstar, elles croisent des troupes des cinq continents : Titanick (Allemagne), Totem (Belgique), Semola Theatre (Espagne), Teatr[...]
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Écrit par
- Emmanuel WALLON
: maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre, chargé de cours à l'université de Louvain-la-Neuve (Belgique), membre du comité de rédaction des
Temps modernes et d'Études théâtrales
Classification
Médias
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