ARTS DE LA RUE
Vers la reconnaissance publique ?
L'organisation corporative témoigne d'une maturité acquise au fil des ans. Éclatée dans le temps sous le régime des intermittents, éparpillée dans l'espace par la condition des itinérants, écartelée entre des techniques et des esthétiques disparates, la tribu de saltimbanques a commencé à rallier la Fédération (Association professionnelle des arts de la rue), fondée en 1998 afin de porter sa voix auprès des pouvoirs publics. L'une de ses priorités fut le développement des fabriques ouvertes grâce à l'appui des collectivités territoriales et de l'État. Comme le Parapluie que la communauté d'agglomération d'Aurillac a fini par déployer en 2004, elles ont pour but de prêter abri et outils aux compagnies en résidence, le cas échéant en injectant quelques fonds dans leurs productions. Les artistes réclament des solutions de travail et de stockage adaptées à leurs besoins, qui changent d'échelle selon que l'on a affaire à la troupe des 26 000 Couverts ou bien aux solitaires Calixte de Nigremont, « flagorneur public », et Michel Sarunac, « caresseur public ».
Les professionnels, qui comptent beaucoup d'autodidactes dans leurs rangs, ont mis plus de temps à admettre l'intérêt de la transmission. Leurs qualifications déborderaient sans doute de tout cursus. Ne doivent-ils pas être à la fois poètes et plasticiens, comédiens et soudeurs, bateleurs et pédagogues, techniciens et administrateurs ? Leur tempérament frondeur s'accommode mal d'un conservatoire ou d'une académie mais, comme le recommandait un rapport de Franceline Spielmann en 2000, l'initiation et le perfectionnement peuvent passer par des ateliers, des stages, des universités d'été ou d'hiver, autant d'étapes favorisant un itinéraire de découverte à travers la France et d'autres pays.
L'alliage des disciplines, le jeu d'acteur au contact du public, l'écriture pour une scène aux dimensions de la ville requièrent un labeur obstiné. Entouré d'un « collège de compétences », Michel Crespin a reçu du ministère mission d'imaginer, puis de préfigurer un dispositif palliant les carences des filières du spectacle à cet égard. La Formation avancée et itinérante des arts de la rue (F.A.I.-A.R.) a ainsi recruté sa première promotion en octobre 2005 et pris attache à la Cité des arts de la rue de Marseille. Pour sa part, HorsLesMurs a guidé avec la Fédération la mise en œuvre sur trois ans (2000-2002) du plan de recrutement d'une centaine d'emplois-jeunes voués à l'administration des structures itinérantes, dont la pérennisation a cependant rencontré de grandes difficultés.
La reconnaissance publique s'est accrue en février 2005. En s'inspirant de l'Année des arts du cirque (été 2001-été 2002), Renaud Donnedieu de Vabres a demandé à Yves Deschamps de piloter un « Temps des arts de la rue » étalé sur trois années budgétaires, de 2005 à 2007, pour renforcer l'armature du secteur. Deux millions d'euros de mesures nouvelles ont été inscrits au budget en 2005, un peu moins d'un million en 2006. L'État soutenait en 2005 une cinquantaine de sites de production, dont quatorze pour les arts de la rue, sept mixtes (rue et cirque) et dix-huit ouverts à toutes les disciplines du spectacle vivant. Il a décerné le label de Centre national de création des arts de la rue (C.N.A.R.), réservé jusqu'alors à Lieux publics, à six fabriques (l'Abattoir à Chalon-sur-Saône, l'Atelier 231 à Sotteville-lès-Rouen, l'Avant-Scène à Cognac, le Fourneau à Brest, le Parapluie à Aurillac et les Pronomades à Encausse-les-Thermes), plus trois autres animées par des compagnies (le Citron Jaune d'Ilotopie à Port-Saint-Louis, le Moulin Fondu d'Oposito à Noisy-le-Sec et la Paperie de Jo Bithume à Angers). Un dispositif de commande d'œuvres in situ, réclamé depuis longtemps,[...]
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Écrit par
- Emmanuel WALLON
: maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre, chargé de cours à l'université de Louvain-la-Neuve (Belgique), membre du comité de rédaction des
Temps modernes et d'Études théâtrales
Classification
Médias
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