ARTS DE LA RUE
Entre l'expérience et l'œuvre
La documentation de HorsLesMurs rassemble la plupart des écrits relatifs aux compagnies. Peu de spectacles ont fait l'objet de captations audiovisuelles fidèles, bien que les créations et les festivals attirent les photographes et les reporters. L'iconographie serait orpheline et la connaissance balbutiante si n'existaient, notamment dans les collections du Musée national des arts et traditions populaires (M.N.A.T.P.), du Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de France (B.N.F.), des Archives nationales, du musée Carnavalet, de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (B.H.V.P.), des documents sur les spectacles urbains à travers les âges. L'université a longtemps concédé ce champ aux seuls historiens, voire aux sociologues de la ville contemporaine comme Sylvia Ostrowetsky. Les spécialistes d'esthétique théâtrale commencent à s'y intéresser à l'instar de Luc Boucris, de même que les scénologues qui abordent ces thèmes à l'exemple de Marcel Freydefont à l'École d'architecture de Nantes, dans le cadre d'un futur Institut européen de scénographie esquissé en 2003. À la Sorbonne (Paris-IV), un master professionnel « Projets culturels dans l'espace public » a démarré en octobre 2005. À la suite d'un appel d'offres du ministère de la Culture, un réseau « Arts de ville – Développement culturel et espace public urbain » a vu le jour en 2006 sous la responsabilité de Philippe Chaudoir (Lyon-II), avec des chercheurs d'horizons divers.
Les enquêtes sur les pratiques culturelles vérifient l'axiome selon lequel l'audience des arts en espace ouvert est plus large que celle des salles closes. Faute de billetterie, il est impossible de l'estimer mais, en 1997, 29 p. 100 des Français âgés de quinze ans et plus déclaraient avoir vu au moins un spectacle de rue durant l'année, contre 16 p. 100 qui disaient s'être rendus au théâtre. L'effet de surprise et l'attrait de la gratuité jouent indéniablement leur rôle. Des études conduites dans les festivals de l'été de 2004 montrent néanmoins que la répartition sociale des habitués contraste peu par rapport à celle des amateurs de concerts ou de musées. Ce public, plus jeune et plus féminin, s'avère nettement plus instruit et plus assidu que la moyenne des Européens. La sortie à l'air libre n'apporte donc pas d'issue définitive aux paradoxes de l'art « élitaire pour tous », ni de solution sûre aux dilemmes de la « démocratisation culturelle ». Si les arts de la rue peuvent se targuer de vertus politiques, c'est davantage en raison de l'implication qu'ils réclament des spectateurs. Ces derniers doivent braver l'inconfort de leur position, s'adapter à l'instabilité de la représentation, consentir à l'ambiguïté de la fiction, et souvent être pris à témoin par les comédiens. Contextuels et relationnels, ces types de spectacles l'étaient bien avant que de telles notions ne soient théorisées dans la sphère des arts plastiques.
Nomade en saison, le théâtre de rue est également déambulatoire, lorsque la troupe parcourt le dédale de la ville avec ses comédiens, ses véhicules, ses machines, ses orchestres ou ses haut-parleurs. Souvent les spectateurs tracent eux-mêmes leur itinéraire entre des aires de jeu distinctes. Agenceurs d'univers provisoires, bricoleurs de décors brinquebalants, les poètes ambulants regardent la hiérarchie des beaux-arts comme une relique de musée. Selon les collectifs et les réalisations, le spectacle de rue oscille entre l'expérience, vécue avec la force de l'immédiateté, et l'œuvre, fixée par une écriture textuelle, musicale et scénique.
Cinq compagnies françaises, parmi tant d'autres, électrisent la tension entre[...]
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Écrit par
- Emmanuel WALLON
: maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre, chargé de cours à l'université de Louvain-la-Neuve (Belgique), membre du comité de rédaction des
Temps modernes et d'Études théâtrales
Classification
Médias
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