ARTS DU NIGERIA (exposition)
Réputés pour leur ancienneté et leur extrême diversité stylistique, les arts du Nigeria occupent une place de choix dans l'histoire de l'art africain. Les terres cuites de Nok (600 av.-250 apr. J.-C.), l'art d'Ifè (ixe-xve siècle) et celui, palatial, du Bénin (xive-xixe siècle) sont ainsi désormais parmi les plus célèbres d'Afrique noire. Très appréciée des collectionneurs, la sculpture des royaumes yoruba (traditionnellement liés à Ifè, leur capitale religieuse) a par ailleurs suscité de multiples recherches qui ont permis de mieux comprendre les esthétiques subsahariennes et de mieux saisir le travail des artistes. Moins bien connues du grand public, les autres cultures nigérianes sont également à la source d'une infinie variété de traditions plastiques, élaborées, entre autres, par les Igbo, les Urhobo, les Ejagham, les Idoma ou encore par les Mumuyé.
Ces formes artistiques, jusqu'alors quasi absentes des collections publiques françaises, ont fait l'objet du 22 avril au 18 août 1997 d'une exposition organisée au Musée national des arts d'Afrique et d'Océanie (MAAO) : Arts du Nigeria. L'enjeu de cette manifestation était de présenter, selon un parcours géographique déployé de part et d'autre d'une section archéologique et historique consacrée aux arts de Nok, d'Ifè et du Bénin, les pièces acquises récemment par la Réunion des musées nationaux (RMN) auprès du musée Barbier-Mueller de Genève. Créée en 1977 et issue de la collection Joseph Mueller (1887-1977), cette institution privée a vendu en effet au MAAO en 1996, pour une somme totale de 40 millions de francs, un premier ensemble de cent cinq figures venant des régions nigérianes de l'Est, du delta du Niger, de la Cross River ainsi que des cultures ibibio, igbo et idoma, puis, l'année suivante, un second groupe comprenant cent soixante et onze objets originaires des peuples edo, yoruba, ijo et des secteurs méridionaux du Nigeria. Sans précédent en France, cet achat sur des fonds publics d'une collection privée dévolue aux arts africains constitua un véritable événement dont la presse se fit un large écho.
Fils d'une famille bourgeoise de Soleure, en Suisse alémanique, Joseph Mueller fut séduit en 1907 par les toiles de Ferdinand Hodler et commença à collectionner les peintures de Cézanne, Picasso, Kandinsky et Rouault. Durant l'été de 1922, il s'installa à Paris, acheta en 1926-1927 des œuvres de Miró, visita l'atelier de Léger. Dans les années 1930, il acquit ses premiers objets d'art dit « primitif ». En 1952, dix ans après son retour en Suisse, il fit la connaissance de son futur gendre Jean Paul Barbier ; Joseph Mueller possédait alors environ deux mille cinq cents sculptures africaines, océaniennes et précolombiennes de qualités diverses. Homme d'affaires, bibliophile, connaisseur des poètes français de la Renaissance et amateur d'antiques, Jean Paul Barbier s'est intéressé dans les années 1960, au contact de son beau-père, aux arts précolombiens, à ceux d'Afrique noire, d'Océanie (avec une nette prédilection pour la Mélanésie) puis d'Insulinde. En 1977, il créa à Genève avec son épouse le musée Barbier-Mueller afin de montrer les plus belles pièces réunies par Joseph Mueller (dont deux tiers des objets africains et océaniens furent à cette époque vendus) et par lui-même. Jean Paul Barbier décidait alors, selon ses mots, de « constituer des ensembles cohérents de certaines régions ou centres de style ». Le Nigeria fut l'un d'eux. Depuis 1977, les expositions, les prêts et les publications du musée suisse, en Europe ou aux États-Unis se sont succédé. En 1992, la collection précolombienne est présentée à Barcelone, et devient en 1997 le fonds du Museo Barbier-Mueller de Arte Precolombino. Dépourvus d'héritiers amateurs de sculptures précolombiennes, océaniennes ou africaines, Jean Paul Barbier et son épouse ont[...]
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Écrit par
- Vincent BOULORÉ : docteur en arts et sciences de l'art, université de Paris-I, historien de l'art
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