PÄRT ARVO (1935- )
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Tabula Rasa
Sa femme étant juive, Pärt demande un passeport pour Israël, qu'il obtient en 1980. Il s'arrête à Vienne et obtient la nationalité autrichienne. Une bourse d'étude allemande lui permet de s'installer définitivement à Berlin-Ouest en 1981. Pärt emporte des partitions dans ses bagages. Depuis 1976, il compose dans un style tonal, cultive la simplicité et ne cache plus ses convictions religieuses, poussant ses préoccupations spirituelles jusqu'à la mystique orthodoxe. Sur le plan technique, ses créations s'articulent autour du silence et de la résonance propre au style tintinnabuli. Les emprunts à la musique médiévale ainsi que l'héritage de Bach, de Mozart ou de Britten sont intégrés par des techniques d'écriture contemporaines, parfois subtilement dissonantes (sensation de frottement), évoluant en spirales, toujours intériorisées et d'un effet plastique saisissant.
Sa rencontre avec Manfred Eicher, producteur, fondateur et directeur du label discographique allemand ECM (Editions of Contemporary Music), va être capitale. Ses compositions, dans un style éminemment provocateur pour l'avant-garde occidentale qui ne jure que par la complexité, seront pourtant défendues et enregistrées par le violoniste Gidon Kremer, le compositeur Alfred Schnittke, le chef d'orchestre Dennis Russell Davies, le pianiste Keith Jarrett. Le premier enregistrement paru chez ECM en 1984 comprend plusieurs pièces devenues célèbres : deux versions de « Fratres » (1977), pour violon et piano, et pour ensemble de violoncelles, qui sera décliné par la suite dans de nombreuses versions (quatuor, quatuor et percussion, orchestre à cordes...), feront le tour du monde ; « Cantus in memoriam Benjamin Britten » (1980), écrit à la mémoire de celui que Pärt admirait pour la pureté de sa musique, et, surtout, l'extraordinaire « Tabula Rasa » (1977), pour piano préparé, violon et chœur.
Pärt connaît alors une renommée internationale. Son style attire un public qui n'est pas exclusivement composé des habituels mélomanes : des jeunes venus d'autres horizons paradoxalement éloignés, voire opposés, aux systèmes religieux, des amateurs de musique ancienne, des esprits séduits par sa personnalité mystérieuse – il donne peu d'interviews et fait de fréquents séjours dans des monastères. Les critiques n'hésitent pas à le classer dans la catégorie des minimalistes, à deux doigts des courants « planants » ou « New Age ». Pärt, en effet, affirme qu'il aime Erik Satie, un des pères de « l'esprit minimaliste », et respecte le travail des répétitifs américains (Philip Glass, Steve Reich, Terry Riley), tout en affichant son mépris pour la musique sérielle. Il donnera pour la voix – le support le plus pur pour la diffusion des musiques religieuses – le meilleur de sa production. L’une de ses sentences les plus célèbres est : « La voix humaine est le plus parfait des instruments. » Depuis le début des années 1980, le chanteur Paul Hillier, d'abord avec son ensemble vocal Hilliard Ensemble, puis avec sa nouvelle formation, The Theatre of Voices, a inscrit régulièrement à son répertoire de nombreuses œuvres comme « Summa » (1977), « De Profundis » (1980), un chef-d'œuvre, sa « Passion selon saint Jean » (1982), un « Stabat Mater » (1985) bouleversant, pour voix et trio à cordes, « Miserere » (1989), « Kanon Pokajanen » (1997), « Littlemore Tractus » (2001), « L'Abbé Agathon » (2005). À cette liste de pièces vocales, il faut ajouter « Da Pacem Domine » (2004), commandée par Jordi Savall pour un concert pour la paix à Barcelone donné le 1er juillet 2004. La composition a débuté après les attentats de Madrid de 2004, en mémoire des victimes.
Les compositions se suivent, et[...]
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Écrit par
- Patrick WIKLACZ : journaliste
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