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ASAG

Technique amoureuse de l'amour courtois, l'asag se définit par son écart avec l'union conjugale. L'apparition de l'orgasme vaginal dépendant de la durée de l'acte sexuel, c'est-à-dire du temps indispensable à la préparation du désir féminin, l'épouse, au Moyen Âge, comme à bien d'autres époques, est portée à envisager l'acte sexuel plutôt comme devoir conjugal et comme corvée nécessaire à la procréation. Aussi, dans la relation entre l'homme et la femme, l'amour courtois, refusant la domination du premier sur sa partenaire, a-t-il tenté d'introduire dans le couple la réciprocité de l'amitié, d'inventer, avec l'asag, une tendresse adéquate. Dans cette perspective, la relation n'a rien de commun avec la conjugalité ; tout se passe comme si, subrepticement, le modèle de l'amitié masculine qui l'inspire introduisait dans l'érôs hétérosexuel un facteur d'homosexualité. Le jeu érotique, en effet, consiste en la jouissance de la nudité, déplaçant le plaisir de la zone hédonique à l'œil. Mais, en même temps, les attouchements et les caresses permettent un plaisir diffus, sans orgasme masculin ; l'homme a droit à l'érection, non à l'éjaculation. La femme, au contraire, y découvre l'orgasme clitoridien. L'épreuve d'amour que constitue l'asag apparaît paradoxalement comme un paroxysme de continence et une décision d'impudeur.

Dans ces jeux érotiques, auxquels les maris n'attachaient guère plus d'importance qu'à des jeux lesbiens, la femme découvrait son aptitude à la jouissance, de façon totale. Le plaisir se révèle ici diversifié. En outre, la femme occupe, dans l'asag, une place centrale. Ce qui se passe, en effet, dans son corps fait l'objet de l'attention convergente des deux partenaires. Mais, si au cœur de l'adultère la domination masculine abandonne ses privilèges, la parole échangée trouve dans l'érotique des troubadours un statut. La promesse se substitue au contrat. C'est pourquoi le don des cœurs lie de façon irréversible les amants courtois, quelle que soit la difficulté de leur situation.

En un mot, la parole et la caresse, creusant le désir sans l'assouvir, permettent à l'amour, vécu jusqu'alors comme rapport de forces, d'intégrer la réciprocité de l'amitié.

— Marie-Odile MÉTRAL-STIKER

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