ASIE CENTRALE
L'art préislamique
Les arts de l'Asie centrale de l'Antiquité et du Haut Moyen Âge sont une révélation récente. Il y a encore une trentaine d'années on en connaissait surtout le reflet, lointain dans l'espace et assez transformé, que donnent les oasis du Turkestan chinois. La cuvette qui forme l'Asie centrale proprement dite était vue plutôt comme un boulevard des grands empires, un nœud de pistes caravanières, qui aurait véhiculé les influences successives de la Grèce, de la steppe, de l'Inde bouddhique et de l'Iran sassanide ; le complexe bouddhique de Bāmiyān, au cœur des montagnes de l'Hindukush, apparaissait dans la diversité de ses styles comme le symbole même de cet éclectisme.
Les fouilles menées depuis lors par les archéologues soviétiques dans les républiques d'Asie centrale et par les archéologues français et soviétiques dans le nord de l'Afghanistan ont démontré que ces apports, dont il n'est pas question de nier la puissance, avaient été intégrés par un art local créateur qui, loin de se réduire à leur accumulation successive, avait su préserver son caractère propre. Celui-ci est pour une part lié aux contraintes du pays, notamment à la rareté de la pierre de taille dans les zones de peuplement – différence capitale avec l'Inde et même avec l'Iran. L'architecture monumentale s'exprime donc essentiellement dans la brique crue ; le décor fait appel à la statuaire modelée polychrome, au stuc, à la peinture murale, techniques héritées de la présence grecque mais que l'art de l'Asie centrale portera, surtout pour la peinture murale, à un haut degré de raffinement.
Du point de vue des commanditaires et des thèmes d'inspiration, une évolution se dessine entre la période « impériale » des premiers siècles et la période des principautés du Haut Moyen Âge préislamique. Les monarques gréco-bactriens, parthes, puis kouchans patronnent un art de glorification du pouvoir auquel, à partir du iie siècle de notre ère, vient s'ajouter celui du bouddhisme conquérant. La période suivante est illustrée par le décor des résidences du patriciat urbain et de la noblesse rurale, qui, dans l'admirable art sogdien, s'ouvre à l'inspiration épique et populaire ; en même temps, l'art bouddhique connaît une profonde mutation et s'éloigne de ses origines hellénistiques.
Les royaumes hellénisés (IIIe-IIe s. avant notre ère)
En Asie centrale comme au Proche-Orient, l'héritage d'Alexandre avait été recueilli par les Séleucides. Vers 250 avant notre ère, deux monarchies firent sécession : en Parthyène-Margiane celle des Parthes, noyau de l'empire du même nom ; à l'est celle des Grecs de Bactriane, destinée à s'étendre en direction de l'Inde. Les rois parthes, bien qu'issus du milieu iranien de la steppe, se proclamèrent « philhellènes », et les effigies monétaires des Gréco-Bactriens comptent parmi les chefs-d'œuvre du portrait grec. Ces manifestations au sommet traduisaient-elles un réel enracinement de la culture grecque dans ces terres lointaines ? On a longtemps pu en douter en attribuant plutôt au rayonnement commercial de la Méditerranée romaine l'évident hellénisme de l'art bouddhique ultérieur. Le débat a été clos par l'archéologie et surtout par les fouilles de Nisa et d'Aï Khanoum, respectivement première capitale des Parthes et grande cité gréco-bactrienne sur les bords de l'Oxus (peut-être elle aussi capitale impériale dans la dernière phase de son existence, vers 170-145, sous le règne d'Eucratide, conquérant de l'Inde).
Ces sites ont révélé la présence sur place d'artistes – sculpteurs, bronziers, ivoiriers, mosaïstes – capables de créer des œuvres, certes sans grand génie, mais fidèles à la pure tradition grecque[...]
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Écrit par
- Henri-Paul FRANCFORT : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur de l'équipe archéologie de l'Asie centrale : peuplement, milieux et techniques
- Frantz GRENET : attaché de recherche au C.N.R.S.
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