ASIE DU SUD-EST (art et archéologie) La formation des États indianisés
Le commerce ancien
Avant 1968, on disposait de très peu de données archéologiques spécifiques sur le commerce ancien dans la région. Les efforts considérables de Malleret pour établir une documentation complète concernant les pièces de monnaie, l'orfèvrerie et les perles provenant d' Oc-èo et de son voisinage et pour esquisser leur répartition au Sud-Est asiatique ont fourni un premier aperçu de l'existence d'un vaste réseau d'échanges et de commerce. Les analyses historiques des textes classiques, grecs, latins et indiens, permettent aussi d'avoir une idée de la connaissance géographique que l'on avait du Sud-Est asiatique dès le ier siècle après J.-C., connaissance fondée sur les voyages de commerce.
Pendant la dernière décennie, de nouvelles découvertes archéologiques ont ajouté nombre de traits spécifiques au tableau déjà esquissé. Il ressort de la liste de trouvailles faites à Beikthano qu'il y avait entre la capitale méridionale pyue et Oc-èo des relations commerciales à partir du iie siècle après J.-C. Ce réseau de commerce reliant l'État pyu au delta du Mékong descendait l'Irrawaddy, côtoyait la baie du Bengale pour traverser le col des Trois-Pagodes et ainsi passer par les villes mones situées de deux côtés de la péninsule Malaise à son extrémité septentrionale. La répartition à Nagara P'atóm, Kanchanāburi, Ut'ong et Oc-èo de pièces de monnaies en argent ornées de la conque et du Śrīvatṣa – dont la plus grande concentration apparaît, nous le voyons maintenant, dans les sites pyus – témoigne du passage des marchands de l'époque le long de cette route où l'on trouve également les bijoux en étain fabriqués à Oc-èo et les moules caractéristiques de cette industrie. Vers l'ouest, Beikthano entretenait des rapports commerciaux avec l'Inde méridionale, notamment Arikamédu, à en juger d'après les céramiques romano-indiennes provenant de cette ville et parvenues à Beikthano vers la fin du ier siècle et pendant le iie. Par l'intermédiaire des grands comptoirs de l'Inde méridionale, le réseau de commerce maritime allait jusqu'à la Méditerranée (Stargardt, 1968 et 1979).
Dans la région sud-est asiatique, les voies de commerce maritimes et fluviales étaient multiples. Les nouvelles preuves archéologiques ne permettent plus d'opposer une époque de voyages interocéaniques à une époque de voyages transisthmiens : dès le début de notre ère, le commerce au long cours se pratiquait librement le long de plusieurs routes transisthmiennes de même qu'autour de la péninsule Malaise. Tout récemment, on a découvert par hasard, dans le nord-ouest de Java, de nombreux spécimens de céramiques romaines et romano-indiennes datant des deux premiers siècles de notre ère et qui se rapportent parfaitement à la typologie et à la chronologie des spécimens mis au jour à Arikamédu (Walker et Santoso, 1977). De la même région de Java provient la célèbre inscription du roi Purnnavarma qui, vers le ve siècle, faisait allusion à la construction d'un canal important – une inscription qui laisse soupçonner le haut niveau économique du royaume de Purnnavarma de même que son caractère indianisé. Grâce aux découvertes nouvelles, on gagne une meilleure lecture du développement de la civilisation ancienne dans le nord-ouest de Java à partir du début de notre ère. En péninsule Malaise, on a repris des recherches sur le site de Kuala Selinsing, connu depuis longtemps comme un centre actif de la fabrication de perles en verre et en pierre polie et comme un centre du commerce des perles par des voies maritimes au long cours. Une datation au 14C du British Museum reporte la chronologie de ce site – toujours vivement controversée – au iie siècle (Sieveking, renseignement personnel). Les perles provenant de Kuala Selinsing[...]
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Écrit par
- Janice STARGARDT : Directeur du projet de l'université de Cambridge sur les Civilisations du Sud-Est Asiatique
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