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ASIE (Géographie humaine et régionale) Espaces et sociétés

Les bouleversements géopolitiques intervenus au cours du xxe siècle poussent la géographie à redéfinir le monde. En effet, le découpage en grands ensembles spatiaux correspondant peu ou prou aux masses continentales, auquel les savants, surtout européens, ont contribué depuis le xvie siècle, devient de moins en moins pertinent. C'est en particulier le cas de l'Asie ou de l'Eurasie impliquées au premier chef par la fin de l'antagonisme américano-soviétique et la désintégration du Tiers Monde. Malgré l'effondrement du bloc soviétique, plusieurs de leurs pays sont encore officiellement communistes tout en adaptant leur économie au capitalisme mondialisé, comme la Chine. L'émergence de nouveaux pays industrialisés est presque devenue synonyme d'asiatique, avec les quatre « Dragons » et autres « Tigres », autrefois classés dans le Tiers Monde et qui ont suivi le Japon engagé précocement sur cette voie.

Les flux de marchandises, de capitaux et de personnes s'insèrent dans une globalisation économique caractérisée par une croissance de la production et du commerce international, et par un développement des transports rapides, massifs et moins coûteux. Ils structurent désormais, par leurs réseaux articulés sur des métropoles, des espaces qualifiés de « régionaux » suivant le vocabulaire anglo-saxon, c'est-à-dire à une échelle située entre le continental et le national, et qui correspondent généralement à une concrétisation politique sous la forme de regroupements multi-étatiques internationaux. C'est encore le cas de l'Asie où se dessinent des organisations régionales sur un mode plus fonctionnel qu'institutionnel. L'ensemble de ces processus opère sur fond de civilisations vénérables.

La définition de l'Asie devient donc délicate, à la fois dans ses limites, au contact des ensembles européen, russo-sibérien ou africain, et dans son organisation interne. Quoi de commun, désormais, entre Beyrouth et Shanghai, entre Ankara et Séoul, entre Jérusalem et Bangkok ? Entre le bédouin du désert et le citadin de la mégalopole japonaise, entre les champs pétrolifères d'Arabie et les technopoles indiennes ? Rien ne réunit une Turquie, dont l'État réclame l'intégration européenne, et une Corée encore divisée en deux États au sein d'une Asie orientale élaborant une union régionale. Le monde de la langue arabe ou du Coran ne se rapproche guère du monde sinisé des idéophonogrammes et des philosophies sociales non transcendantales. On voit mal quelle solidarité économique pourrait se tisser entre un Moyen-Orient important du reste de l'Asie sept fois moins de marchandises que celle-ci n'en exporte vers l'Amérique du Nord et l'Europe occidentale.

L'Asie fait pourtant encore sens, surtout pour les pays qui sont situés sur la façade pacifique, voire pour l'Inde. Elle garde toujours pour les Occidentaux sa signification de continent oriental. Entre les deux acceptions, c'est non seulement une mutation mais aussi un enjeu idéologique qui se dégage, à la fois identitaire et géopolitique. La géographie qui n'est ni neutre, ni immobile, peut fournir des clés d'interprétation.

Le fait que l'expert du Pentagone Samuel Huntington ait découpé l'Asie en pas moins de cinq civilisations (musulmane, hindouiste, sinisée, bouddhiste et japonaise), alors qu'il attribue généreusement une seule civilisation (l'occidentale) à l'Europe et à l'Amérique du Nord, confirme l'attitude encore dominante de l'Occident. Bien qu'on puisse croire qu'il s'agit d'une reconnaissance de la diversité socioculturelle asiatique, cette division révèle bien, en dépit de l'hétérogénéité des critères et des appellations retenus, une volonté d'émietter l'Asie à des fins géopolitiques.[...]

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Carte du monde, XI<sup>e</sup> siècle - crédits : AKG-images

Carte du monde, XIe siècle

Asie : population - crédits : Encyclopædia Universalis France

Asie : population

Palmiers-dattiers à Oman - crédits : 	Franz Aberham/ Photodisc/ Getty Images

Palmiers-dattiers à Oman

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