ASPIRINE ou ACIDE ACÉTYLSALICYLIQUE
Si l'histoire du produit chimique remonte à 1853, lorsque le chimiste français Charles Gerhardt (1816-1856) synthétise l'acide acétylsalicylique, l'histoire de son principe actif est ancienne. Le papyrus d'Ebers (environ 3600 B.P.) mentionne déjà l'action des extraits de saule contre la fièvre, pratique retrouvée dans tout l'Occident. Le principe actif contenu dans les extraits de saule, la salicine ou acide salicylique, est isolé de diverses plantes vers 1830. Sous forme de salicylate de soude ou de potasse, voire en association avec du phénol (Salsol), elle entre dans la pharmacopée et est utilisée comme antidouleur et fébrifuge. L'amertume de ces produits, leur faible efficacité et leurs effets secondaires font rechercher des substances plus actives et moins toxiques. La redécouverte en 1897-1899 de la synthèse de cet acide par Felix Hoffmann, jeune chimiste de la société Bayer, et la mise au point d'une procédure de production industrielle vont aboutir, dès 1900, à la commercialisation de l'Aspirin (cette paternité est contestée, il est probable que ce soit Arthur Eichenbrün qui en soit l'auteur). Après la Première Guerre mondiale, le brevet tombe dans le domaine public en France comme aux États-Unis. En France, l'Aspirine des Usines du Rhône connaît un succès d'officine remarquable.
Depuis 1890, de nombreux autres procédés de préparation ont vu le jour et ce produit est devenu le médicament le plus utilisé au monde. Une première méthode de synthèse consiste à faire agir de l'anhydride acétique (270 g) sur de l'acide salicylique (250 g), puis à pratiquer une distillation sous vide. Une autre méthode utilise l'action du chlorure d'acétyle sur de l'acide salicylique, en milieu pyridinique et à chaud, suivie d'un brusque refroidissement à 0 0C.
Quelle que soit la méthode employée, l'aspirine se présente sous la forme de petites aiguilles incolores, inodores, fondant vers 135 0C ; peu soluble dans l'eau et très soluble dans l'alcool et l'éther. Du fait de son amertume, on l'utilise plutôt sous la forme d'un sel, de lysine en particulier, ou sous forme effervescente avec du bicarbonate de sodium. Environ 40 000 tonnes d'acide acetylsalicylique sont produites chaque année, pour 85 p. 100 dans une usine de la firme Bayer installée en Espagne.
Les usages thérapeutiques de l'aspirine sont bien connus. Elle est le prototype des anti-inflammatoires non stéroïdiens : un antirhumatismal (à l'origine utilisé dans le traitement des arthroses), un analgésique (elle atténue la sensation de douleur) et un antipyrétique (elle calme la fièvre), d'où son utilisation intensive dans les états fébriles (grippe) ou les syndromes névralgiques. Ses usages tendent cependant à se restreindre du fait de son effet sur la coagulation du sang et le risque d'accidents de divers types. L'aspirine n'est en effet pas inoffensive : elle peut notamment déterminer des ulcérations gastriques avec saignements (surtout sous forme insoluble non tamponnée). Son usage à forte dose et en traitement de longue durée est tombé progressivement en désuétude sauf cas très particuliers. La dose maximale autorisée est de l'ordre de 3 grammes par jour chez l'adulte. L'aspirine agit en bloquant la production de substances essentielles dans l'inflammation et l'agrégation plaquettaire : les prostaglandines et les thromboxanes. C'est ce qui explique fondamentalement deux de ses grands effets pharmacodynamiques : l'action anti-inflammatoire et l'action anticoagulante. L'action antipyrétique est quant à elle due au blocage de la production de prostaglandines dans l'hypothalamus, au niveau du centre de contrôle de la température corporelle. L'aspirine bloque en outre la production des hormones et des messagers moléculaires[...]
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Écrit par
- Georges BRAM : professeur à l'université de Paris-Sud-XI-Orsay
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