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ĀŚRAM ou ASHRAM

Le terme āśram (âshram) est avec guru (gourou) un des rares mots sanskrits à être passés dans la langue française actuelle sans avoir tout à fait perdu leur sens original. Dérivé de la racine sram, qui signifie « effort intense », āśram peut désigner, dans la tradition brahmanique, soit la période de la vie que l'on consacre à cet effort de détachement spirituel, soit le lieu où on le pratique. Les āśram créés par Gandhi ou par Aurobindo s'inscrivent dans cette dernière perspective.

Le temps de l'effort

Les hindous aiment à décrire leur religion comme celle du catur-varna-āśrama-dharma, c'est-à-dire la loi (cosmique) des quatre classes d'homme et des quatre âges de la vie. Quand on sait l'importance que l' Inde accorde aux varna, c'est-à-dire aux classes ou castes, on devine la place qu'elle doit donner aux āśrama ou aux âges, ces deux notions étant intimement liées. De même que l'humanité est divisée en quatre classes d'homme, chacun (au moins chaque homme idéal, c'est-à-dire chaque brahmane) parcourt, de la naissance à la mort, quatre étapes : d'abord l'âge de l'étude (brahmacarya), puis celui de la responsabilité familiale (grihasthya), puis l'âge de la retraite (vanaprasthya), enfin l'âge du renoncement (sannyāsya).

Gandhi, partisan déterminé et nostalgique du varna-āśrama-dharma, décrivait ainsi les quatre āśrama : « Le brahmacarya est, pour les femmes comme pour les hommes, l'âge de l'étude ; ils doivent vivre dans la chasteté et être libérés de tout autre souci que celui de leurs études. À vingt-cinq ans, ils peuvent fonder une famille s'ils le désirent et devenir grihasthin, mais seulement jusqu'à l'âge de cinquante ans. C'est l'âge du profit, du plaisir, de l'activité professionnelle et de l'éducation des enfants. Ensuite, et jusqu'à l'âge de soixante-quinze ans, les époux recouvrent leur indépendance, tout en gardant la vie commune, pour se consacrer au travail social. Enfin, pendant les vingt-cinq dernières années de leur vie, ils doivent tout quitter, vivre d'aumônes, mener une vie exemplaire. » Gandhi ajoutait : « Je crois fermement au varnāśrama ; j'ai toujours considéré que c'était le plus beau don que l'Inde a fait à l'humanité. » Un don qui remonte fort loin. Il semble bien que cet itinéraire spirituel ait été inauguré par les ascètes qui, contemporains du Buddha, firent retraite dans les forêts et y attirèrent des disciples qui composèrent les grandes Upaniṣad. À l'époque, on ne distinguait encore que trois stades dans cette vie en marche vers la perfection. Aux alentours de l'ère chrétienne et sous l'influence de la bhakti, les sages y ajoutèrent le quatrième, celui du sannyāsin, ou renonçant total.

Dans les milieux de l'épopée du Mahābhārata, pourtant, œuvre qui a été composée à partir du iiie siècle avant J.-C. et qui est l'expression fondamentale et toujours actuelle des mentalités indiennes, les quatre āśrama sont moins considérés comme des âges de l'existence humaine que comme des états de vie spécifiques. Dans le chapitre de l'épopée intitulé Śanti parva, il est dit, par exemple, que « le brâhmane peut, selon les conseils de son instructeur (acarya), opter pour l'un de ces quatre modes de vie, mais [qu']il devra y demeurer fidèle jusqu'à sa mort. Il peut vivre en grihapāti avec ses femmes et procréer des enfants, ou vivre en célibataire, ou s'installer dans un āśram forestier auprès de son instructeur, ou encore se plier aux règles de l'errance. » On voit, d'après ce texte, comment s'articulent les deux sens du mot āśram : l'effort le plus intense auquel l'homme doit se livrer est spirituel et se situe au troisième âge de son itinéraire, ce qui implique[...]

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Écrit par

  • : Ph. D., Poona University, Inde, écrivain

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