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ĀŚRAM ou ASHRAM

Les lieux de l'effort

Malgré une histoire longue de plus de vingt-cinq siècles, en dépit d'un dynamisme contemporain incontestable et d'une infinie polyvalence, tous les āśram se constituent autour de structures permanentes qui les différencient d'institutions telles que les monastères ou les ermitages chrétiens. En premier lieu, comme le remarque Jean Varenne à propos du « groupe maître-disciples » qui « constitue ce que l'on nomme habituellement un âshram », « il est préférable de conserver le mot sans le traduire, car il ne correspond pas à quelque chose de courant en Occident ». La relation du maître à ses disciples, en effet essentielle à tout āśram, se situe dans le cadre d'une spontanéité qui devrait combattre toute tentative d'institutionnalisation. Jean Varenne précise fort justement que « le véritable âshram est totalement ouvert ; on y vient quand on veut, on y vit comme on veut ; on le quitte quand on le désire, et le maître ne se mêle en aucune façon d'administrer quoi que ce soit ». Nulle clôture donc, nul vœu de stabilité : non seulement l'āśram ne doit pas être le lieu d'une fuite du monde, mais il doit constituer, au sein de la société, le centre exemplaire qui la fonde. C'est la société, en effet, qui, par ses aumônes, assure la vie matérielle de cette arène spirituelle où elle livre le combat contre le désir de tuer (ahimsa), contre le désir de posséder et celui de procréer. Les gens de toute caste visitent l'āśram pour y trouver conseil ou simplement pour vivre quelques instants en présence du guru.

Dans les anciens āśram, le guru donnait à ses disciples un enseignement philosophique et spirituel. C'est ainsi que sont nées les Upaniṣad. Mais sa fonction sociale ne s'arrêtait pas là. Les jeunes brahmanes allaient y passer le premier âge de leur vie, celui du brahmacarya. Ils y mémorisaient la tradition orale de la grande tradition védique. Il semble bien, d'après un texte du Suttanipāta bouddhique, que les āśram, anneaux de transmission de la culture indienne, furent aussi un élément majeur de l'expansion du bouddhisme dans tout le continent indien. Aux temps du Buddha, par exemple, Bāvari, un brahmane du Nord, établit son āśram au confluent de la Mulā et de la Godāvari dans l'Inde du Sud. Comme autour des monastères du Moyen Âge en France, c'est sans doute à partir des āśram que la plus grande partie de l'Inde fut défrichée et civilisée.

Au viiie siècle après J.-C., le grand maître Śankara utilisa, lui aussi, l'institution des āśram, qu'il appela des matha, pour répandre, du cap Comorin aux sources du Gange, cette nouvelle interprétation du Vedanta qui domina depuis lors toute la spéculation indienne. Parmi de nombreux autres, le matha de Śringeri, sous la direction de son jagadguru (maître universel) dont la généalogie spirituelle remonte sans brisure jusqu'au maître Śankara lui-même, reste aujourd'hui un des centres principaux de l'enseignement védantin.

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Écrit par

  • : Ph. D., Poona University, Inde, écrivain

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