Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ASSEMBLÉE NATIONALE (France Ve République)

Une chambre d’enregistrement des volontés gouvernementales ?

L’obsession des constituants de 1958 était d’éviter de retomber dans ce qu’ils considéraient comme les errements des républiques précédentes – en particulier la domination jugée excessive de l’Assemblée nationale sur le gouvernement. Aussi la Constitution encadre-t-elle sévèrement le pouvoir des députés. On aurait tort, cependant, de ne comprendre la relative soumission de l’Assemblée nationale aujourd’hui qu’à travers ces contraintes constitutionnelles : elle relève aussi d’une certaine autolimitation (cf. infra).

L’encadrement constitutionnel de l’Assemblée nationale

L’une des grandes restrictions que la Constitution impose au Parlement consiste évidemment, en premier lieu, en ce que la loi est désormais soumise à un contrôle de constitutionnalité, alors qu’elle était jusqu’à l’avènement de la Ve République un acte insusceptible d’être remis en cause juridiquement. Il ne faut pas oublier que la création du Conseil constitutionnel correspond moins, en 1958, à une volonté d’installer une véritable justice constitutionnelle qu’à une logique d’encadrement du pouvoir des parlementaires – au point qu’on le qualifie volontiers, à ses débuts, de « chien de garde de l’exécutif » (puisqu’il est chargé notamment de veiller à ce que la loi n’empiète pas sur le domaine du règlement, qui appartient au gouvernement).

Cependant, le développement des pouvoirs du Conseil constitutionnel tout au long de la Ve République n’affectera pas seulement ceux du Parlement (et en particulier de l’Assemblée nationale), mais aussi ceux du gouvernement, dans la mesure où c’est surtout ce dernier qui est à la manœuvre dans l’élaboration de la loi. On souligne souvent, à juste titre, que l’immense majorité des textes législatifs finalement adoptés en France sont d’origine gouvernementale (d’autant plus que les propositions de loi qui sont finalement adoptées sont en réalité très souvent soutenues, voire téléguidées par l’exécutif). Ce phénomène n’est cependant pas spécifique à nos institutions et s’observe en réalité dans toutes les démocraties contemporaines. Sans doute, le fait que l’exécutif dispose de l’administration (et de ses moyens humains, techniques, statistiques, etc.) conduit-il à le considérer comme l’autorité la mieux placée, dans nos sociétés complexes, pour élaborer des politiques publiques adéquates.

La Constitution de la Ve République accentue cependant cette maîtrise exécutive de la production législative, grâce à un certain nombre de mécanismes – qui avaient initialement pour but de limiter le pouvoir jugé excessif des parlementaires, mais qui désormais rendent les prérogatives gouvernementales disproportionnées. Il n’est guère possible de les énumérer tous : de la maîtrise de l’ordre du jour par le gouvernement (même si la révision du 23 juillet 2008 a légèrement entamé le monopole de fait qu’il avait acquis depuis 1958 par l’art. 48) à la limitation du droit d’initiative et d’amendement parlementaire (art. 40 et 41, par exemple), les dispositifs sont nombreux et efficaces. Mais il faut insister sur deux mécanismes qui donnent un avantage décisif au gouvernement dans l’élaboration de la loi.

Le premier est ce qu’on appelle traditionnellement le « vote bloqué ». Il est prévu à l’article 44, alinéa 3 et permet au gouvernement, à n’importe quel moment de la discussion, de demander à l’assemblée saisie (qu’il s’agisse de l’Assemblée nationale ou du Sénat) de se prononcer « par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement ». Ce dispositif est absolument redoutable. Il permet en effet au gouvernement de demander aux parlementaires de se prononcer sur la version du texte qu’il a lui-même déterminée, en[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Médias

L’hémicycle de l’Assemblée nationale - crédits : Thierry Le Fouille/ SOPA Images/ LightRocket/ Getty Images

L’hémicycle de l’Assemblée nationale

La navette parlementaire - crédits : Encyclopædia Universalis France

La navette parlementaire