Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ASSISTANCE TECHNIQUE

L'épreuve des faits

À son origine, certainement, la coopération technique était une belle idée, propre à susciter un réel enthousiasme. Plusieurs décennies après, on doit réfléchir sur sa pratique et son efficacité pour comprendre quelques-unes au moins des difficultés auxquelles elle est confrontée. Leur analyse ne doit pas conduire au désenchantement.

Les faits sont évidents. On n'envisage plus d'atteindre rapidement l'objectif donné à la coopération technique dans les années soixante : créer les conditions de son inutilité. Son maintien voire son élargissement se révèlent au contraire de plus en plus indispensables à la survie de nombreux pays dont la situation régresse : l'économie se dégrade dans la plupart des pays africains depuis dix ans ; en 1990, le niveau du revenu a encore diminué en Amérique latine ; les incertitudes montent dans plusieurs pays d'Asie.

Comment ne pas s'interroger sur la validité des « expertises » faites dans le cadre de la coopération technique au cours des deux dernières décennies ? Fallait-il, dans les années soixante-dix, encourager le processus de l'endettement et en faire le moyen efficace du financement ? L'ajustement structurel, le « tout à l'exportation » – politiques budgétaires, choix d'investissement – devaient-ils constituer, dans les années quatre-vingt, la voie du développement ? N'y avait-il pas d'autre politique concevable ? Les « experts » n'avaient-ils aucune part aux décisions ? Et, s'ils se trompaient, pourquoi alors n'en avoir pas changé ? Bien sûr, leur rôle n'est pas de décider, mais, s'ils avaient été nombreux à voir l'impasse, à proposer des voies ou des projets alternatifs à ceux qui étaient à la mode, cela n'aurait-il pas fait réfléchir ? On ne peut éluder ces questions.

Les agences de coopération technique pourraient aujourd'hui rejeter sur la « crise » économique mondiale la responsabilité de la dégradation de la situation du Tiers Monde si, au moment opportun, elles avaient incité ces pays à s'en « protéger » et à mettre en œuvre les politiques adéquates. Au moins auraient-elles permis à quelques-uns de voir où menait la volonté des pouvoirs, privés et publics, des pays les plus avancés : celle d'intégrer sans cesse plus étroitement les pays du Tiers Monde au marché mondial. La question déjà ancienne de Perroux : « Qui intègre, au bénéfice de qui ? », reste bien essentielle.

Sans doute ne faut-il pas s'étonner que la coopération technique bilatérale ait à tenir compte des intérêts directs des forces dominantes ; mais on serait en droit d'attendre un autre comportement de ces acteurs de la coopération multilatérale que sont les agences des Nations unies. En théorie, le statut de leurs fonctionnaires garantit une totale indépendance à l'égard des pressions que pourraient vouloir exercer les gouvernements. La réalité n'est pas si simple. D'une part, nombre d'agents conservent de plus en plus longtemps le statut de contractuel : ils sont d'autant moins libres que, souvent, leur État d'origine n'a pas non plus de véritable statut de la fonction publique. D'autre part, des gouvernements ne craignent pas d'utiliser les organismes statutaires de certaines des agences pour peser sur les choix des projets, suggérer d'éloigner tel agent d'un lieu où il est jugé gênant, etc.

Les membres des O.N.G., plus proches de la population, ont souvent une conscience plus claire de sa situation et des risques auxquels elle est exposée. Ils agissent pour la faire accéder à ce même niveau de conscience et susciter de sa part des actions de protection contre ces risques. En revanche, leur option de s'investir à l'échelon local les détourne d'une analyse et d'une action économiques[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à la faculté de sciences économiques de Grenoble, président de l'Institut de sciences mathématiques et économiques appliquées, Paris

Classification

Médias

Comité d'aide au développement : dépenses - crédits : Encyclopædia Universalis France

Comité d'aide au développement : dépenses

Afrique subsaharienne : aide reçue - crédits : Encyclopædia Universalis France

Afrique subsaharienne : aide reçue

Aide publique au développement et coopération - crédits : Encyclopædia Universalis France

Aide publique au développement et coopération

Autres références

  • CHINE, histoire, de 1949 à nos jours

    • Écrit par , et
    • 19 198 mots
    • 15 médias
    ...Mandchourie à la Chine, l'aspect essentiel du traité réside dans la mise en place, parachevée par des documents ultérieurs, du plus important courant d' assistance économique et technologique jamais décidé entre deux gouvernements. Certes, l'aide soviétique est à crédit, et non gratuite ; de plus, les...
  • COLOMBO PLAN DE (1950)

    • Écrit par
    • 622 mots

    Formule d'assistance régionale, le plan de Colombo pour le développement des pays du Pacifique permet une intervention des États développés plus directe et moins anonyme. En 1950, à Colombo, la Grande-Bretagne réunit les membres du Commonwealth de cette région du monde : Inde, Pakistan...

  • DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL - Aide publique au développement

    • Écrit par et
    • 3 734 mots
    • 5 médias
    ...interventions tournées vers les plus pauvres, telles que les campagnes alimentaires et de vaccination massive, et accordent une importance grandissante à l'assistance technique. Dans les zones rurales sont ainsi mis en œuvre des programmes de développement intégrés dont le succès est également porté...
  • ÉGYPTE - L'Égypte républicaine

    • Écrit par , et
    • 38 768 mots
    • 16 médias
    En janvier 1958, Le Caire et Moscou signent un accord d'assistance technique et financière pour la construction du haut barrage : 710 millions de roubles sont accordés à l'Égypte. Il sont remboursables en 12 ans à partir de 1963 à 2,5 % d'intérêt. Les travaux commenceront le 5 janvier 1960. Les États-Unis,...
  • Afficher les 7 références