ASSOCIATION
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Le terme « association » comporte deux acceptions d'ampleur différente. En un sens générique, il sert à désigner tout groupement volontaire et permanent formé entre plusieurs personnes, quels qu'en soient la forme, l'objet ou le but. En un sens spécifique, proprement juridique, il désigne « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité, dans un but autre que de partager des bénéfices ». Cette définition, empruntée à la loi française du 1er juillet 1901, charte fondamentale du droit de l'association en ce pays depuis plus de cent ans, diffère de la précédente en ce qu'elle exclut les groupements constitués en vue d'un enrichissement du patrimoine des associés, groupements désignés en droit français par le terme de « sociétés ». L'association entendue au sens générique – « corporation » – comprend donc à la fois des sociétés et des associations stricto sensu.
La notion de corporation coïncide avec un phénomène sociologique universel : la propension des hommes à se grouper pour toutes sortes de motifs, la défense de leurs droits, la propagation de leurs idées, la réalisation commune d'un dessein collectif, la recherche d'un gain, etc. Aussi se retrouve-t-elle dans les divers droits nationaux, aussi bien anglo-saxons qu'héritiers du droit romain (allemand, italien, belge, etc.). Elle est cependant trop large pour pouvoir s'exprimer en un statut juridique unique. Chaque législation nationale est donc amenée à répartir l'ensemble des corporations en quelques grandes catégories. Or cette ventilation ne s'effectue pas partout selon des clivages identiques. Si les droits français, belge, italien, espagnol retiennent comme critère principal la distribution ou l'interdiction de la distribution des bénéfices entre les membres du groupement pour distinguer les sociétés des associations, le droit allemand, en revanche, ne prend qu'accessoirement en considération cet élément finaliste. Le législateur de ce pays se borne à établir quelques statuts juridiques polyvalents – essentiellement la Gesellschaft et le Verein – et abandonne aux créateurs de la corporation le choix de celui qui convient le mieux à la réalisation de leurs objectifs. La Grande-Bretagne n'impose pas davantage de statut uniforme à l'ensemble des associations : certaines relèvent de réglementations particulières, d'autres empruntent aux sociétés leur statut – notamment celui des companies –, d'autres encore ont recours à l'institution typiquement britannique du trustee. Les divers droits nationaux ne consacrent donc pas tous au même degré la spécificité de la corporation à but non lucratif, ni l'autonomie de son statut par rapport à celui de la société.
La situation du monde associatif constitue un révélateur privilégié de l'état de santé d'une démocratie. De ce point de vue, l'évolution de la vie associative en France depuis 1901, et surtout ses ultimes infléchissements depuis le milieu des années 1970, nous fournit un cas clinique.
Aux origines du phénomène, on trouve l'affirmation d'une liberté civique et civile tardivement concédée aux Français bénévoles qui entendent poursuivre personnellement et ensemble des buts désintéressés. Il s'agit donc et de liberté et de gratuité. Le mot bénévole donne à la chose une connotation charitable alors que l'allemand préfère le terme plus politique de freiwillig qui souligne la libre volonté. Un siècle plus tard, des employeurs associatifs vivant de fonds publics et développant des activités marchandes sous statut d'association se sont constitués en groupe de pression pour dire le nouveau droit associatif. Par rapport aux principes fondateurs, le détournement est complet.
Les fonds publics distribués, le chiffre d'affaires réalisé au commerce, les effectifs salariés atteignent dans cette nouvelle France associative des niveaux considérables quoique mal connus. Certes la dérive ne concerne qu'une part infime des associations, sans doute 30 000 à 40 000 sur le million d'associations actives (1,9 million déclarées d'après les préfectures en 2002), et quelques dizaines de milliers de bénévoles sur un total de 14 millions. Mais, par l'ampleur des moyens mobilisés, le caractère exemplaire et ostentatoire de ces abus « au sommet » consacre une triple rupture.
C'est d'abord la fracture entre le peuple des salariés et celui des bénévoles lorsqu'il s'agit de justifier la non-lucrativité. Entre 1990 et 2000, le nombre d'associations employant des salariés est passé en France de 120 000 à 150 000.
C'est ensuite l'incompatibilité entre la revendication d'exonérations fiscales et une activité marchande, qui double parfois l'activité subventionnée au nom d'un « au-delà » du marché et de l'État.
C'est, enfin, la contradiction entre d'une part l'exigence de subventions publiques, de souplesses fiscales et budgétaires et, d'autre part, le refus des normes de la comptabilité et de la fonction publiques au nom d'un dépassement du clivage entre fonds publics et fonds privés.
Dans une société où les prélèvements obligatoires atteignaient en 2004 43,4 p. 100 et la dépense publique 54,4 p. 100 du P.I.B., ce manque de rigueur est lourd de conflits qui mettent en cause la légitimité associative dès lors que la réalité ne coïncide plus avec le droit.
L'état du droit en France
Pris dans son sens juridique, le mot association recouvre deux aspects. D'une part, il désigne le contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun d'une façon permanente leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que le partage de bénéfices. D'autre part, il définit la personne juridique, dite personne morale au nom de laquelle est effectuée cette mise en commun.
Une liberté fondamentale
La loi du 1er juillet 1901 repose sur trois idées fondamentales ayant pour dénominateur commun la liberté. L'association est d'abord une convention, un contrat de droit privé soumis au principe de l'autonomie des volontés et de la liberté contractuelle. Chacun est libre d'adhérer et l'association peut choisir ses membres. La liberté d'association est de surcroît un des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution » (Conseil constitutionnel, décision du 16 juillet 1971). Elle s'impose donc tant au législateur qu'aux pouvoirs publics. En conséquence toute loi la restreignant doit être justifiée à peine d'être déclarée inconstitutionnelle. La liberté d'association est enfin reconnue par les principaux textes internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment par les articles 11-1 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Les tribunaux français peuvent donc contester une loi française qui se révélerait incompatible avec ces dispositions.
Étant un contrat, l'association suppose la rencontre d'au moins deux volontés émanant de deux personnes physiques ou morales. Le contrat est soumis aux principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations, et notamment aux quatre conditions visées à l'article 1108 du Code civil : le consentement des sociétaires, leur capacité, un objet certain qui forme la matière de leur engagement, enfin une cause licite.
Depuis une loi du 8 octobre 1981 les étrangers ont toute liberté d'adhérer à, d'administrer et de constituer une association française. Est considérée étrangère une association dont le siège social est à l'étranger. Dans ce cas c'est la loi étrangère qui s'applique en France, à deux conditions près : le respect des obligations internationales de la France et la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique (lois dites de police). De la même façon, toute association créée par des Français à l'étranger relève du droit du siège étranger.
La personnalité morale
La déclaration n'est pas obligatoire, mais pour obtenir la personnalité morale élémentaire, dite « petite personnalité morale », l'association doit se déclarer en préfecture et procéder à une insertion au Journal officiel. La préfecture doit donner récépissé de la déclaration, sauf à mentionner l'existence d'une association précédemment déclarée sous le même nom.
La reconnaissance d'utilité publique (R.U.P.), qui confère la « grande personnalité » juridique et permet de recevoir dons et legs, est soumise à des conditions à ce point strictes que l'effectif total des « R.U.P. » ne dépasse pas 2 000 dont 1 500 à Paris et 200 sans aucune activité. L'association reconnue doit exclure tout objet exclusivement religieux, politique, économique, ou professionnel. Elle doit viser réellement l'intérêt général et avoir une audience nationale. Elle doit avoir fonctionné trois ans et compter au moins 200 membres. Le Conseil d'État donne un avis que le ministère de l'Intérieur n'est pas tenu de suivre car sa décision en la matière est discrétionnaire. Les associations ainsi reconnues peuvent recevoir des dons et legs avec l'autorisation préalable du préfet et par décret en Conseil d'État si la libéralité fait l'objet de réclamation de la part d'un parent au degré successible. L'octroi du statut de R.U.P. s'avère donc des plus restrictifs mais le suivi ultérieur par l'administration du ministère de l'Intérieur manque de rigueur, comme devait le démontrer la découverte de la scandaleuse gestion d'une des plus célèbres associations reconnues : l'A.R.C., Association pour la recherche contre le cancer.
Les régimes dérogatoires
Toutefois, par dérogation, les pouvoirs publics peuvent instituer unilatéralement des associations obligatoires soumises en principe à la loi de 1901 mais dont les modalités d'organisation et de fonctionnement, fixées impérativement par la loi, ne suivent guère les schémas traditionnels. Tel est le cas de l'association sportive, créée par la loi du 16 juillet 1984 dans tous les établissements du second degré, mais aussi des fédérations départementales d'associations de pêche et pisciculture et des associations communales de chasse.
Le contenu des statuts est en principe laissé à la libre volonté des parties mais il arrive que la loi impose des dispositions statutaires types. C'est le cas des associations désireuses d'accepter des dons et legs ayant pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance et la recherche scientifique et médicale, des associations désireuses d'émettre des titres obligataires associatifs, et des associations sportives jusqu'à la loi du 28 décembre 1999, qui les a obligées à constituer une société commerciale pour la gestion de leurs activités procurant des recettes supérieures à 7,5 millions de francs et employant des sportifs dont le montant total des rémunérations excède 5 millions de francs.
En Alsace-Moselle, le droit associatif reste régi par le Code civil allemand de 1900 et la loi d'Empire du 19 avril 1908. Les associations doivent être obligatoirement déclarées. Le préfet peut s'opposer à l'inscription d'une association si elle est illicite ou poursuit un but social, politique ou religieux contraire à l'ordre public.
Plus important, c'est à l'initiative de Michel Rocard, à l'époque ministre du Plan, que l'union d'économie sociale (U.E.S.) est venue compléter le droit associatif français pour désigner : « Les coopératives, les mutuelles et celles des associations dont les activités de production les assimilent à ces organismes » (décret du 15 décembre 1981). Ce mélange des genres, unique en droit français, a pour objectif de permettre au secteur non lucratif, désigné parfois sous les termes de tiers secteur, d'entrer dans l'économie marchande tout en lui restant étranger, notamment en matière de propriété des moyens de production. Des protections sont instituées contre le marché comme la règle des 65 p. 100 de voix réservés aux sociétaires issus du monde de l'économie sociale alors même que le capital peut être majoritairement marchand ou privé. Le premier principe coopératif fondateur : « Un homme une voix » s'en trouve remis en cause.
Afin d'éviter des dérives para-commerciales et des atteintes à la concurrence, il est prévu que les U.E.S. ne peuvent réaliser plus de 20 p. 100 de leurs transactions avec des non-sociétaires. Mais les adhérents des adhérents sont considérés comme des sociétaires, ce qui réduit l'effet de cette réserve tenue jadis pour constitutive de l'idéal coopératif. C'est le second principe fondateur qui se trouve ainsi affecté. Au cours des décennies 1980 et 1990, les frontières instituées au xixe siècle entre le monde des associations, coopératives et mutuelles et celui du marché sont devenues ainsi progressivement moins étanches, ouvrant la voie à la commercialisation du secteur associatif par le biais de l'économie sociale.
Le régime de droit commun
Mais pour s'en tenir au droit issu de 1901 qui prévaut encore dans la majorité du monde associatif en France, une association reste la manifestation pratique d'une liberté réservée aux seuls citoyens épris de gratuité et de désintéressement. Liberté civile et civique garantie par la Constitution, la loi de 1901 est sans le moindre doute le texte fondateur le plus libéral, le plus court, et le plus souple de toute la législation française.
La liberté de création est totale sous réserve de deux conditions : l'objet ne doit être ni « illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs » ni « porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement ». Il doit enfin être « autre que le partage des bénéfices entre les membres ».
La liberté de fonctionnement est elle aussi totale. En contrepartie, une absence d'intérêt matériel direct ou même indirect est attendue de ses membres. L'association ne peut posséder que des immeubles « strictement nécessaires » à la réalisation de ses activités et n'est pas habilitée à recevoir des dons et des legs. On retrouve dans ce dispositif la trace de la vieille méfiance royale envers les biens de mainmorte. Des franchises ou des libertés sont bien octroyés mais non les moyens matériels susceptibles de construire des contre-pouvoirs ou seulement au compte-gouttes et sous stricte surveillance du Conseil d'État. Cette méfiance explique la rareté en France de la fondation, qui résulte non d'un contrat entre personnes mais de l'affectation irrévocable d'un patrimoine à la réalisation d'une œuvre donnée. La création est soumise à avis du Conseil d'État et nécessite un capital initial d'au moins 5 millions de francs.
En 1901, s'agissant de liberté, la gratuité n'était pas un vain mot. Malheureusement les Français n'avaient pas la culture associative de leurs ambitions républicaines.
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Écrit par
- Jean-Marie GARRIGOU-LAGRANGE : professeur agrégé des facultés de droit
- Pierre Patrick KALTENBACH : conseiller à la Cour des comptes
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