ASSOCIATION (sociologie)
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Considérée comme un délit selon le code pénal de 1810 (pour un groupement non autorisé de plus de 20 personnes), la pratique associative a longtemps représenté un foyer d’agitation ouvrière et suscité la méfiance du pouvoir politique. À la suite des révoltes des artisans lyonnais de la soie, la loi du 10 avril 1834 limitera fortement le droit d’association et menacera d’interdiction les sociétés ouvrières de secours mutuel nées au début du xixe siècle. La réhabilitation de la liberté d’association par la loi de 1901 est le résultat d’un long processus historique qui vise à concilier l’héritage de l’individualisme des Lumières et l’affirmation de l’État comme instance sacrée, garante des valeurs républicaines. Intégrée dans la matrice républicaine comme l’équivalent du syndicat de la sphère sociale, le discours politique a progressivement reconnu la liberté associative comme un des piliers de la démocratie et l’a érigée en institution de la citoyenneté et du « dialogue civil ».
Aspects historiques
Dans la France de la IIIe République, les institutions religieuses et en particulier celles de la foi catholique constituent un véritable « État dans l’État ». L’affirmation de l’État républicain va ainsi passer par une remise en cause des établissements publics du culte et des congrégations religieuses. Comme le relève justement Claude Nicolet dans L’Idée républicaine en France (1789-1924) : « le rôle de l’Église dans l’État ne se limitait pas au problème de l’organisation d’un culte », mais assurait des fonctions, comme l’enseignement et la justice, lui donnant une position centrale à l’intérieur des institutions politiques. Les dispositions de la loi du 18 germinal an X en vertu desquelles les cultes catholique, luthérien, réformé et juif sont reconnus, des établissements publics du culte organisés et subventionnés et quelque 1 600 ministres des cultes rémunérés par la puissance publique sont en effet supprimées par la loi du 9 décembre 1905 (sauf pour les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle). Celle-ci va ainsi établir des associations déclarées d’un type spécial, créées sur les bases de la loi du 1er juillet 1901, pour assurer la charge, au niveau local, de la célébration publique des différentes confessions reconnues par l’État. Abolies par les lois révolutionnaires des 13 et 19 février 1790 et du 18 août 1792, les congrégations seront de nouveau autorisées par la loi de 1901, sous la réserve d’obtenir une autorisation légale. Dans le contexte de suspicion anticléricale de la fin du xixe siècle, l’enjeu se concentre autour de la liberté de l’enseignement et suscite la mobilisation de la « nébuleuse » républicaine dont la Ligue de l’enseignement, fondée en 1866, est l’une des figures centrales. Le projet porté par Waldeck-Rousseau avait bien pris soin d’écarter cette question polémique de la rédaction des articles de la loi sur le droit d’association. Néanmoins, l’article 14, qui stipule que « nul n'est admis à diriger, soit directement, soit par personne interposée, un établissement d'enseignement, de quelque ordre qu'il soit, ni à y donner l'enseignement, s'il appartient à une congrégation religieuse non autorisée », sera revendiqué, en particulier par la Ligue de l’enseignement, comme « un des actes les plus significatifs de la défense républicaine ».
Au-delà du fait juridique de 1901, ce sont bien la conciliation de l’héritage de l’individualisme des Lumières avec l’édification des institutions républicaines, et la place accordée par ces dernières aux corps intermédiaires, qui sont en jeu. À ce titre, il est possible de parler d’un « modèle associatif français », entendu comme matrice d’un espace public républicain affranchi des relations interpersonnelles, par principe confinées à la sphère privée. Si le statut associatif consacre bel et bien la liberté de s’associer dans le cadre d’un groupement relevant du droit privé, l’association légitime demeure celle qui participe à réaliser des valeurs relevant de l’intérêt général dont l’État reste le garant ultime. En ce sens, la Ligue de l’enseignement représente l’idéal type de ce modèle, relevant à la fois de l’initiative privée mais contribuant à la « chose publique » par la promotion de la citoyenneté républicaine. La mise en place de formes officielles de reconnaissance délivrées par l’État, comme la reconnaissance d’utilité publique ou l’agrément ministériel qui interviendra plus tardivement, vise à séparer le « bon grain de l’ivraie » et, in fine, à dissocier les « vraies » associations des « fausses ».
Phénomène récent, la création d’instances de représentation du monde associatif résulte de l’arrivée au pouvoir des « nouvelles classes moyennes salariées », dont une fraction importante est composée des salariés du secteur public (enseignants, travailleurs sociaux), au début des années 1980. De fait, l’activité associative demeure ainsi très largement une pratique caractéristique des catégories sociales supérieures, en particulier lorsque la participation à un groupe implique l’exercice de responsabilités politiques et administratives et donc la mise à profit des réseaux de relations et la maîtrise de savoirs professionnels. Les groupes sociaux plus populaires ne sont pas exclus de la sphère associative, mais leur participation est nettement plus fréquente dans les clubs sportifs ou de loisirs que dans les collectifs militants de promotion de causes humanitaire ou politique, comme l’observe Sandrine Nicourd en 2009.
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Écrit par
- Matthieu HELY : maître de conférences en sociologie à l'université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, Institutions et dynamiques historiques de l'économie et de la société (UMR 8533)
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