ASSOLEMENT
Ce mot, pris aujourd'hui par les spécialistes des techniques agricoles comme synonyme de « rotation des cultures », a connu, du Moyen Âge au xviiie siècle, un sens beaucoup plus restreint et précis : c'était l'organisation et l'obligation de cette rotation sur tout un terroir. Dans le modèle classique, l'ensemble des terres était partagé en trois grands blocs appelés « soles » dans le Bassin parisien, « roies », « champs » ou « saisons » ailleurs ; chacune de ces soles portait alternativement l'un des trois types de culture de la rotation triennale, et chaque paysan, dont les parcelles étaient également réparties entre les trois soles, était tenu de se conformer à la rotation collective. Bien sûr, si la pratique locale était la rotation biennale, le terroir n'était divisé qu'en deux soles. Ce système présentait l'avantage de faciliter la dépaissance collective des troupeaux sur les terres en jachère, puisqu'elles étaient toutes regroupées en une même sole, aisément isolées des cultures par une clôture temporaire ; c'est pourquoi l'assolement obligatoire, qui n'est pas attesté avec certitude avant le xive siècle, se répandit après l'arrêt des défrichements, lorsqu'on voulut, en développant l'élevage, tirer encore davantage d'un terroir déjà saturé.
La création de ces soles obligatoires suppose à l'origine une contrainte qui ne peut être que seigneuriale, mais ce furent les communautés villageoises qui en devinrent ensuite les farouches gardiennes jusqu'au xviiie siècle ; à ce moment, les plus gros exploitants souffrirent de devoir toujours pratiquer la jachère alors que les innovations de la « première révolution agricole » leur permettaient d'économiser cette année perdue. Mais, jusque-là, les villageois avaient beaucoup tenu à l'assolement, surtout les plus pauvres pour qui la possession de quelques bêtes dans le troupeau commun était la seule richesse.
Cependant, il ne faut pas tenir pour générale la pratique de l'assolement, qui resta toujours limitée aux pays d'openfield : non seulement les pâturages naturels y sont plus rares, mais encore ce sont les seules régions où, les parcelles n'étant pas encloses en permanence, on n'aurait pu mener paître les troupeaux sur des jachères dispersées dans le terroir sans risquer d'endommager les cultures voisines.
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Écrit par
- Françoise MOYEN : licenciée en histoire
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