ASTHME ET IMMUNITÉ INNÉE
L’asthme et l’éducation de l’immunité innée
La certitude de l’existence du farmeffect résulte de plusieurs études portant sur l’origine de l’absence d’asthme et d’allergies respiratoires dans les communautés amish. Une étude publiée en août 2016 par M. Stein et ses collaborateurs, dans la revue The New England Journal of Medicine, démontre clairement l’effet fortement protecteur du mode de vie des amish et plus particulièrement de l’exposition précoce au monde animal et en explicite les mécanismes.
L’intérêt particulier de cette étude – et de celles des mêmes chercheurs qui l’ont précédée – vient du fait qu’elle compare deux communautés d’agriculteurs américains aux modes de vie très semblables : des amish de l’Indiana et des huttérites du Dakota du Sud. L’asthme est rare chez les amish, fréquent chez les huttérites. Chez les amish, la prévalence de l’asthme chez les enfants scolarisés est d’environ 5 p. 100 et la sensibilisation allergique de 7 p. 100. Chez les huttérites, ces valeurs sont respectivement de 21 p. 100 et 33 p. 100, ce qui correspond à la moyenne américaine. Ces communautés d’anabaptistes sont issues de deux régions géographiquement proches – la Suisse et le Tyrol (Autriche) –, ont émigré vers les États-Unis aux xviiie et xixe siècles et sont restées isolées du fait de leur endogamie. Les familles étudiées sont génétiquement très proches les unes des autres (vérification effectuée par une étude moléculaire), ce qui permet d’exclure l’effet éventuel de différences génétiques. Elles partagent le même style de vie en ce qui concerne des facteurs connus pour contribuer, positivement ou négativement, à l’asthme : familles nombreuses, taux de vaccination élevé, alimentation riche en graisses et lait cru, allaitement au sein prolongé, pas d’exposition au tabac et à la pollution industrielle, règles concernant les animaux de compagnie. Les différences qui subsistent portent sur la manière de cultiver la terre et sur quelques éléments du style de vie : les amish pratiquent une agriculture traditionnelle dans des fermes familiales, et utilisent des chevaux pour l’agriculture et comme moyen de transport ; les huttérites, quant à eux, vivent dans de grandes fermes communautaires et utilisent des techniques modernes. Le mode de vie de ces deux populations se trouve ainsi bien mieux défini que dans les études antérieures.
Après avoir vérifié que les signes d’asthme et de sensibilisation allergique avaient dans les deux groupes, des fréquences identiques aux valeurs déjà publiées, les auteurs se sont livrés à une analyse méthodique du contexte environnemental et des caractéristiques immunologiques des enfants amish et huttérites. Les allergènes ont été examinés dans l’habitat des deux groupes. La poussière et les acariens y sont les mêmes, sauf qu’il y en a environ vingt fois plus chez les amish, en même temps que beaucoup plus d’endotoxines produites par les bactéries. Ces allergènes ont ensuite été mis en contact avec des souris modèles pour l’étude de l’asthme. Première surprise : si ceux des maisons huttérites provoquent de l’asthme chez les souris, ceux des maisons amish protègent contre la réponse asthmatique. Plus encore, cette protection est assurée par l’immunité innée, ce premier rempart faiblement spécifique (au contraire des anticorps) contre l’introduction de substances étrangères dans l’organisme. Cela est démontré grâce à des souris chez lesquelles deux molécules essentielles de l’immunité innée (appelées MyD88 et TRIF) ont été inactivées : l’effet protecteur des poussières amish n’opère plus chez ces animaux. Enfin, en revenant aux hommes, l’analyse des populations de globules blancs dans le sang et celle de différents marqueurs cellulaires et sériques ainsi que les profils d’expression des gènes dans les cellules immunitaires démontrent une[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
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Média