VARNAY ASTRID (1918-2006)
Entre le déclin de Kirsten Flagstad et l'avènement de Birgit Nilsson, l'Américaine d'origine suédoise Astrid Varnay s'est imposée comme la plus grande soprano wagnérienne de son temps et l'incarnation même du rôle-titre d'Elektra de Richard Strauss.
Ibolyka Astrid Maria Varnay naît le 25 avril 1918 à Stockholm. Son père, Alexander Várnay (1889-1924), ténor d'origine hongroise, s'est tourné, à Oslo et dans la capitale suédoise, vers la mise en scène. Sa mère, Mária Jávor-Varnay, est une soprano colorature de grande réputation. En 1920, la famille émigre aux États-Unis. La jeune Astrid travaille le chant, d'abord avec sa mère, puis avec le ténor wagnérien Paul Althouse, vedette du Metropolitan Opera de New York, et Hermann Weigert (1890-1955), répétiteur au Met, qu'elle épousera en 1944, en choisissant la nationalité américaine. Le 6 décembre 1941, elle est amenée à remplacer au pied levé, au Met, l'immense Lotte Lehmann, qui, indisposée, ne peut ce soir-là chanter le rôle de Sieglinde dans La Walkyrie de Wagner, dirigée par Erich Leinsdorf : elle fait sensation dans une représentation qui est radiodiffusée dans toute l'Amérique. Six jours plus tard, l'absence impromptue de Helen Traubel sur la même scène lui permet de triompher dans le même ouvrage, en incarnant cette fois Brünnhilde.
C'est le début d'une longue carrière au Met, où elle chantera deux cents fois environ, essentiellement Wagner (Elsa et Ortrud de Lohengrin, Elisabeth et Vénus de Tannhäuser, Isolde de Tristan et Isolde, Eva des Maîtres chanteurs de Nuremberg) et Richard Strauss (rôles-titres de Salomé et d'Elektra), occasionnellement Verdi. Elle quittera l'illustre maison en 1955, à la suite de désaccords avec le despotique administrateur général Rudolf Bing. En 1948, elle chante ses premiers rôles italiens (rôles-titres de La Gioconda de Ponchielli et d'Aïda de Verdi ; Santuzza de Cavaleria rusticana de Mascagni) et se produit pour la première fois en Europe, au Covent Garden de Londres (Brünnhilde dans Siegfried de Wagner). Le Mai musical florentin l'accueille en 1951 (Lady Macbeth, dans Macbeth de Verdi).
À Bayreuth, de sa réouverture du festival, en 1951, jusqu'en 1967, elle est une des vedettes des mises en scène de Wieland Wagner dans les héroïnes de sa tessiture : les trois Brünnhilde de La Tétralogie, Sieglinde, Gutrune (Le Crépuscule des dieux), Isolde, Kundry (Parsifal), Senta (Le Vaisseau fantôme) et Ortrud. Elle côtoie à cette époque l'élite du chant : Hans Hotter, Martha Mödl, Wolfgang Windgassen, Jon Vickers, George London, Ramón Vinay, Dietrich Fischer-Dieskau... Le disque a préservé ses Brünnhilde des Ring dirigés à Bayreuth par Joseph Keilberth en 1952, Clemens Krauss en 1953 et Hans Knappertsbusch en 1956. Elle brûle dans le rôle-titre d'Elektra de Richard Strauss, qu'elle incarne à la scène comme au disque – sous la baguette de Dimitri Mitropoulos (1949), Fritz Reiner (1952) et Richard Kraus (1953) – avec une intensité inégalée. Au festival de Salzbourg de 1964, elle en donne une interprétation paroxystique avec Martha Mödl (Klytämnestra), Eberhard Wächter (Orest) et James King (Aegisth), et un Philharmonique de Vienne survolté sous la baguette de Herbert von Karajan.
Établie à Munich après la mort de son époux, en 1955, elle va dès lors se produire principalement dans la métropole bavaroise, à Düsseldorf, à Berlin et à Vienne. Le 11 décembre 1959, elle incarne à Stuttgart Jocasta lors de la création d'Oedipus der Tyrann de Carl Orff. Au faîte de ses moyens – même si certains lui ont parfois reproché une technique vocale imparfaite –, Astrid Varnay montre une énergie vocale, une richesse de couleurs sonores, une ferveur dans le phrasé, une émotion alimentée par une flamme intérieure, une autorité péremptoire[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
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