ATATÜRK MUSTAFA KEMAL (1881-1938)
L'œuvre d'Atatürk
Sur le plan intérieur, la modernisation a été marquée, en matière juridique, par l'adoption de nouveaux codes civil, criminel et commercial, établis d'après les codes suisse, italien et allemand (janv.-févr. 1925), l'obligation du mariage civil (sept. 1925) ; en matière d'instruction publique, tous les établissement d'enseignement ont été placés sous le contrôle de l'État, à tous les degrés ; une université est créée à Ankara, en plus de celle de Stamboul, réformée et réorganisée. Mustafa Kemal a veillé particulièrement à la formation des instituteurs qui devaient être, dans les villages surtout, les propagandistes de la nouvelle Turquie ; mais l'influence des éléments religieux locaux a constitué un sérieux obstacle à la diffusion du « kémalisme ». L'adoption des caractères latins, en novembre 1928, à la place des caractères arabes, a constitué en soi une petite révolution que les traditionalistes n'ont pas acceptée sans résistance, en dépit des facilités qu'offrait l'alphabet latin pour transcrire la langue turque. En novembre 1934, une loi a imposé à tous les citoyens l'adoption de noms de famille : la G.A.N. a décerné à Mustafa Kemal celui d'Atatürk, que l'on peut traduire soit par le « Turc vénéré », soit par le « Père de la Turquie nouvelle ».
En matière économique, la tâche n'est pas moins grande pour faire de la Turquie un pays moderne et la libérer de la tutelle économique de l'Europe occidentale. Après l'abolition des Capitulations, qui avaient permis aux Occidentaux d'obtenir peu à peu des avantages exorbitants, Mustafa Kemal a travaillé à turquifier, puis à nationaliser les sociétés étrangères, fort nombreuses en Turquie. La Banque ottomane, symbole de l'emprise européenne sur l'économie turque, a été réduite en 1931 à l'état de banque ordinaire, et remplacée, comme institution d'émission et banque d'État, par la Merkez Bankasi (Banque centrale).
L'agriculture a été vivement encouragée : distribution de terres aux paysans, création d'une banque agricole qui favorise la modernisation des campagnes, mais ses possibilités sont trop réduites par rapport à l'énormité des transformations à effectuer, et surtout Mustafa Kemal n'a pu parvenir à éliminer la caste des grands propriétaires fonciers qui, par opportunisme, s'étaient ralliés à lui.
L'exploitation des mines, les industries ont été placées sous contrôle de l'État par l'intermédiaire de banques nationales (Eti Bank, Sümer Bank), et en janvier 1934 un plan de quatre ans a été lancé pour leur développement. Il en a été de même pour le commerce avec la Banque d'affaires (Ish Bankasi) ; les voies de communication – les voies ferrées surtout, qui ont été nationalisées – ont été multipliées, permettant de meilleurs contacts avec les provinces les plus éloignées. En quelques années, Mustafa Kemal a réussi à remettre sur pied la vie économique du pays, à lui donner un élan national qu'elle n'avait jamais connu.
En politique étrangère, Mustafa Kemal a mené une politique résolument pacifiste, visant à établir de bons rapports avec tous ses voisins et avec les grandes puissances, afin d'éliminer les séquelles de la guerre d'Indépendance et de manifester la réalité de la nation turque. C'est ainsi que toutes les questions demeurées en suspens avec la Grèce ont été réglées par le traité d'Ankara du 30 octobre 1930 ; il en a été de même avec l'Union soviétique (1928 et 1929), la Bulgarie (1929), l'Italie (1926-1932), la France (1926-1930), la Grande-Bretagne (1926-1939). En juin 1932, la Turquie a été admise à la Société des Nations et en février 1934 a adhéré à l'Entente balkanique avec la Grèce, la Yougoslavie et la Roumanie ; en juillet 1936,[...]
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Écrit par
- Robert MANTRAN : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Provence-Aix-Marseille-I
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