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ATELIER, art

L'ouvroir et la boutique. L'atelier artisanal

On trouve l'atelier tantôt indépendant d'une guilde ou d'une organisation corporative, tantôt, et le plus souvent, dans le cadre urbain ou rural de la corporation. Ce type d'atelier existe encore là où l'industrie n'a pas disloqué les formes archaïques du travail. La machine a vidé peu à peu ces ouvroirs, dispersant en les séparant artistes et artisans.

Comment se présente cet atelier ? Le type en est l'atelier européen du Moyen Âge, reflétant la pensée thomiste du travail et la structure féodale de la société. Cependant, qu'on l'examine à Athènes, en Perse, en Égypte ou en Europe, ce modèle d'atelier semble avoir existé partout avec la même structure et les caractères technologiques qui le conditionnent. Partout, il s'agit d'un local non distinct de l'habitation dont il est partie intégrante ou attenante. Il est à la fois lieu d'apprentissage, de production et de distribution. Il est dirigé par un maître qui est propriétaire de la matière première et des instruments de travail. L'équipe d'atelier est partout hiérarchisée selon un modèle unique : maître, apprenti et compagnon. Le compagnon ou valet ne se distingue du maître que par sa dépendance économique : artisan accompli, il ne possède pas d'atelier ni de boutique, il loue ses services. L'apprenti entre souvent dès l'âge de sept ans à l'atelier et sous contrat ; il y est logé, nourri et instruit. On lui apprend moyennant paiement toutes les techniques du métier. Si chaque atelier est spécialisé dans une branche de la production, par contre à l'intérieur d'un même atelier la spécialisation est un phénomène tardif et la division du travail ne correspond pas à des répartitions dans l'information, mais uniquement dans l'exécution. L'artisan doit savoir tout faire dans son atelier, mais dans l'exécution d'un ouvrage de commande on pourra lui confier une partie limitée du programme total. Cette polytechnie de l'artisan est attestée par les épreuves proposées lors des « chefs-d'œuvre » que l'apprenti doit exécuter, à partir du xive siècle, pour accéder au titre de maître : « Quiconque voudra tenir le mestier il conviendra qu'il le sache faire de tous points de soy sans conseil ou ayde d'autruy et qu'il soit à ce point examiné par les gardes du mestier » (Livre des métiers d'Étienne Boileau). L'obligation du chef-d'œuvre fut d'ailleurs une mesure d'ordre économique et un facteur de cloisonnement social. Par lui se ferma la classe des maîtres à toute une masse d'artisans qui non seulement ne jouissaient pas des dispenses attribuées aux fils de maîtres, mais surtout ne pouvaient payer les taxes et les banquets qui accompagnaient toute accession à la maîtrise.

C'est dans l'atelier que s'est sans doute noué ce rapport dialectique du Maître à l'Esclave. C'est pourquoi les corporations vinrent surimposer leurs structures et leurs contrôles aux ateliers : elles voulaient en maîtriser les abus, en fixer les statuts internes et les règles intercorporatives.

Le chef-d'œuvre avec toutes ses formalités d'accès à la maîtrise, ne comporte nullement cette atmosphère idéale qu'on lui prêta à partir du ixe siècle devant l'effroi qu'inspirait la société industrielle. Dans l'atelier médiéval, l'apprenti abordait la matière première à l'état brut, il confectionnait lui-même ses outils et ses instruments. Ce sont les mêmes exigences dans tous les ateliers de ce type. Il y a là une nécessité économique et technologique à la fois. Quant aux variétés d'ateliers elles-mêmes, elles recouvrent tous les métiers et sont hiérarchisées. Il est remarquable que cette hiérarchie, en Europe par exemple, témoigne d'une valorisation[...]

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<it>Alexandre et Campaspe dans l'atelier d'Apelle</it>, G. Tiepolo - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Alexandre et Campaspe dans l'atelier d'Apelle, G. Tiepolo

<it>L'Atelier</it>, J. Vermeer - crédits :  Bridgeman Images

L'Atelier, J. Vermeer

Réunion d'artistes dans l'atelier d'Isabey, L.L. Boilly - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Réunion d'artistes dans l'atelier d'Isabey, L.L. Boilly

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