- 1. Historique
- 2. L'ouvroir et la boutique. L'atelier artisanal
- 3. L'atelier européen du XVe au XVIIe siècle. Périmètre technique et espace imaginaire
- 4. L'atelier européen au XVIIIe siècle. Écoles et académies
- 5. L'atelier cénacle. Sanctuaire romantique et grand atelier de la nature
- 6. L'atelier du XXe siècle. L'architecture d'atelier. Chantiers et laboratoires
- 7. Bibliographie
ATELIER, art
L'atelier européen au XVIIIe siècle. Écoles et académies
Depuis longtemps déjà les artistes voyagent, ne serait-ce que par les traditions du compagnonnage. Les ateliers deviennent écoles et lieux d'influence entre l'Espagne, la Flandre, la France, l'Allemagne, de la Hollande à l'Italie. Les vedutte vénitiennes deviennent objet de spéculation à Londres. C'est l'époque des collectionneurs et des agents commissionnaires comme Smith en Angleterre. Entre l'artiste et l'amateur s'interpose toute une organisation commerciale à laquelle des créateurs doivent se plier sous peine de rester solitaires et ignorés. Tel fut le cas de Guardi. Alors que Tiepolo est appelé partout, déployant une adresse remarquable mêlée à un instinct commercial infaillible, Guardi reste prostré, figure préromantique, vendant ses tableaux pour un écu place Saint-Marc. Malgré ce trafic, c'est l'âge d'or de la gravure. Les ateliers de graveurs sont exemplaires. Nous en trouvons un témoignage significatif à Paris avec la dynastie des Tardieu, l'atelier de Le Bas, ou celui de Wille.
En ce qui concerne les conditions d'admission et de travail, l'atelier présente un double aspect : d'une part l'accès à l'atelier lui-même par contrat, l'apprentissage payant, le travail collectif et de plus en plus spécialisé ; d'autre part, l'Académie ouverte depuis 1655 aux graveurs, maîtres du dessin : on y enseigne le dessin, l'anatomie, on y obtient les prix et les pensions. Certes rien de plus différent que l'atmosphère d'atelier chez Le Bas et chez Wille. Chez celui-là, c'est l'esprit libertaire et la joie de vivre, un monde de talents désordonnés et insolents, l'atelier est une grande famille où Mme Le Bas déploie une sollicitude maternelle, nourricière et consolatrice. Chez Wille, c'est la germanité pondérée d'un atelier ordonné, le calme, la tenue, la bonne table où se nourrissent les bonnes consciences. Ces ateliers cultivent deux styles : chez Le Bas, c'est la gravure libre, l'eau-forte expressive. Chez Wille, on burine, on est « maître de l'outil plutôt que du style ». L'apprentissage coûte assez cher, même si l'on fait crédit à quelque élève en difficulté. L'atelier école est aussi un cénacle. Les relations avec l'Académie, les recherches stylistiques, le goût du dialogue sont autant d'éléments qui favorisent les échanges. Les encyclopédistes s'intéressent vivement à l'état technologique, social et politique d'ateliers artistiques, mécaniques et artisanaux.
L'œuvre de Turgot accentue la libération des arts. En février 1776, il abolit tous les privilèges de maîtrises, statuts, règlements. La lutte est âpre. C'est le fameux docteur Guillotin lui-même qui, après la disgrâce de Turgot (mai 1776), prend la défense des privilèges dans sa Pétition des citoyens domiciliés à Paris. Mais la Révolution l'emporte. Les artistes sont déjà libérés de toutes les traditions médiévales de l'atelier ; ce sont maintenant les artisans qui, le 15 février 1791, s'émancipent : « À compter du 1er avril prochain, il sera libre à tout citoyen d'exercer telle profession ou métier qu'il trouvera bon après s'être pourvu d'une patente et en avoir acquitté le prix. » C'est l'ouverture de l'ère proprement industrielle.
À la veille de l'Empire, les ateliers offrent donc un double aspect dans une disjonction totale des beaux-arts et des métiers. D'un côté c'est le cénacle et l'Académie, de l'autre c'est la manufacture et l'usine qui lentement supplanteront le local exigu de l'atelier familial et corporatif. Il serait erroné de croire que les mesures révolutionnaires, préparées par tout le [...]
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Écrit par
- Marie-José MONDZAIN-BAUDINET : attachée de recherche au C.N.R.S.
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Médias
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