- 1. Historique
- 2. L'ouvroir et la boutique. L'atelier artisanal
- 3. L'atelier européen du XVe au XVIIe siècle. Périmètre technique et espace imaginaire
- 4. L'atelier européen au XVIIIe siècle. Écoles et académies
- 5. L'atelier cénacle. Sanctuaire romantique et grand atelier de la nature
- 6. L'atelier du XXe siècle. L'architecture d'atelier. Chantiers et laboratoires
- 7. Bibliographie
ATELIER, art
L'atelier cénacle. Sanctuaire romantique et grand atelier de la nature
De l'atelier traditionnel, il ne reste, au xixe siècle, que la fonction pédagogique exercée par quelques grands maîtres, mais la pédagogie se ressent aussi de l'idéologie romantique, et le rapport du maître à l'élève est tout à fait original. Ce qu'on apprend d'un maître est d'ordre purement formel. Les marchands de pinceaux, de couleurs, de toiles dispensent définitivement les artistes de toutes les tâches techniques. Bientôt, on connaîtra le chevalet portatif. Quant à l'enseignement, il est abusif et souvent lointain. Le maître ne travaille plus devant ses élèves. Enseignement et création sont séparés. L'un des témoignages les plus vivants de cette atmosphère nous est donné par L'Atelier d'Ingres d' Amaury Duval. Malgré toute la vénération de Duval pour son maître, il reconnaît qu'Ingres était fort mauvais pédagogue. L'idée du génie artistique est plus individualisée et plus forte que jamais. La notion d'« inspiration divine » trouve alors sa consécration romantique : « On n'apprend pas plus à être un grand dessinateur ou un grand coloriste qu'à être un grand poète... il n'y a pas besoin d'école », disait Ingres, et Duval d'avouer : « S'il nous avait ouvert les portes de son atelier, s'il n'avait eu pour nous aucun secret, si nous l'avions vu au travail et surtout s'il s'était servi de nous comme instruments, son œuvre aurait pu être immense et son influence bien autrement complète. » Le génie est despotique, on craint ses humeurs changeantes, on respecte avec une piété terrifiée l'oracle des positions théoriques. À Paris, parmi les élèves des deux « écuries » rivales, les « Ingres » ne saluent pas les « Delacroix ». Que règne ici l'anticonformisme, là le plat académisme, quelques « phares » se dressent dans une foule de spectateurs plus fanatiques que créateurs. Les grands maîtres s'apprêtent à n'être plus compris. Le mépris de l'artisan n'est plus en question. Maintenant on affecte le mépris du bourgeois, on se passionne pour la théorie et pour les luttes d'influence. L'atelier est un sanctuaire ; les œuvres du maître y sont exposées avant de partir pour les salons. À côté du spéculateur, entre l'artiste et l'amateur, voici un nouveau personnage fréquentant ateliers, expositions : le critique. La classe bourgeoise perd ce goût sûr et cette sensibilité esthétique qui l'animaient encore au xviiie siècle. La finance et la critique vont lui indiquer les valeurs et les normes qu'elle doit accepter ou qu'elle peut comprendre.
Alors s'évanouissent les derniers vestiges de l'atelier technique et théorique. Chevalet sous le bras, palette en main, l'artiste entre dans le plus vaste atelier du monde : la nature. Le cadre urbain l'étouffe, le développement industriel l'effraie, l'intensité de la vie économique menace sa création. On s'éloigne, on s'isole, on s'exile.
La matière est devenue matière première industrielle. Le travail est prolétarien. L'artiste trouve une nouvelle matière qui lui est propre au sein du grand atelier naturel où il se réfugie : c'est la lumière. La lumière est « matière première » de l'impressionnisme ; contre l'espace de l'appropriation et de l'accumulation se crée une esthétique du fugitif, dans un atelier aérien, univers de valeurs sans prix. En France, c'est la vie de bohème, l' école de Barbizon, l'exode en Bretagne et même à Tahiti. Tout cela afin d'inaugurer un espace imaginaire qui a du mal à se constituer. L'auberge de la mère Ganne à Barbizon, surnommée la « villa des artistes », est un repaire de génies excentriques[...]
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Écrit par
- Marie-José MONDZAIN-BAUDINET : attachée de recherche au C.N.R.S.
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Médias
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