ATHALIE, Jean Racine Fiche de lecture
Violence de Racine
Pièce biblique avec chœurs, Athalie s'écarte de la forme de l'oratorio chrétien et de la morale conventionnelle d'Esther (1689) pour revenir à la trouble angoisse des premières tragédies raciniennes. Mais cette fois, l'angoisse est absolue et ne s'exerce que devant Dieu, « Dieu vivant », « Dieu jaloux » qui obsède tous les personnages. Impénétrable à l'esprit humain, inexorable, la volonté divine remplit les humains de terreur en les faisant les jouets de la Providence. Toute humanité, fût-elle placée au plus haut, est dérisoire et finit ruinée, comme si la religion si violente de ce temps, n'était plus prête à aucun compromis : Joad exécute aveuglément ce qu'il croit être le dessein de Dieu. Athalie, bonne et juste reine depuis qu'elle a le pouvoir, a su imposer la paix et la tolérance par sa pratique de gouvernement. Mais elle reste frappée d'illégitimité, puisqu'elle a pris le trône du royaume de Juda en tuant presque tous les héritiers, ses propres petits-enfants. La faute première ne peut être effacée et Joad ne peut ni ne veut composer : Dieu exige la mort avec intransigeance. De son côté, Joad sait par un songe prophétique, que Joas tuera son propre fils, qu'il reniera sa religion, mais il accepte et rend sa sentence. La lignée de David, la naissance du Christ même sont en cause, et Dieu décide de tout quels qu'en soient les chemins : l'homme doit Lui obéir, même s'il n'a aucun espoir d'être sauvé. Partie pour être une pièce à la gloire de la foi du monarque et qui en conserve l'apparence, Athalie se révèle une tragédie janséniste, angoissée et sans espoir.
Athalie montre donc le spectacle formidable et inquiétant de la toute-puissance divine, transmis en une action continue, sans entractes, faisant alterner les récits, les chants et l'action, comme la tragédie grecque. Pour sa dernière pièce, Racine innove en reprenant l'essentiel de ses œuvres précédentes, en réalisant en cinq actes l'essai formel qu'il avait entrepris avec Esther d'une esthétique à la fois ancienne, fondée sur la tragédie grecque, et moderne, fondée sur l'opéra. Il intègre les chants du chœur à l'action, supprime les longs récits du passé et développe le songe prophétique pour élever la pièce aux dimensions de l'histoire humaine et à l'espoir, jamais serein, du Christ Rédempteur.
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Écrit par
- Christian BIET : professeur d'histoire et d'esthétique du théâtre à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Autres références
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FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIe s.
- Écrit par Patrick DANDREY
- 7 270 mots
- 3 médias
...sont donc les adversaires farouches. Boileau s’en moque et Racine lui oppose un modèle de tragédie biblique avec chœurs, figuré par Esther (1689) et Athalie (1691) qu’il écrit à l’intention exclusive des jeunes filles de l’institution de Saint-Cyr. Destin discret pour ces ultimes chefs-d’œuvre du genre...