KIRCHER ATHANASIUS (1602-1680)
Polygraphe et polyglotte considéré de son vivant comme « le phénix des savants », Athanasius Kircher aborda presque tous les domaines du savoir de son temps, donnant des ouvrages magnifiquement illustrés aussi bien sur l'astronomie, l'optique, la géologie, la musique, que sur le magnétisme, les hiéroglyphes, l'alchimie ou la kabbale. Cet encyclopédisme traduit l'ambition non seulement de montrer l'unité profonde d'un monde qui est la manifestation de Dieu et où « tout est dans tout », mais encore, en dégageant les connexions et les correspondances les plus secrètes entre les choses, de se rapprocher de cette connaissance parfaite que, selon les kabbalistes, l'Esprit-Saint communique à l'homme dans « la mort par le baiser ».
L'homme
Né à Geisa, près de Fulda, en Allemagne, où son père, Johannes, docteur en théologie, était régisseur d'une abbaye, Athanasius Kircher fut de 1611 à 1618 élève au séminaire papal de cette dernière ville, y apprenant le grec et l'hébreu. En 1618, il fut admis comme novice au collège des jésuites de Paderborn, et étudia, outre les lettres, les sciences naturelles et les mathématiques. En 1622, l'approche des bandes armées du duc Christian de Brunswick le contraignit à se réfugier à Münster. Il se rendit ensuite à Cologne afin d'achever sa formation en philosophie. Il poursuivit l'étude des lettres et des langues d'abord à Coblence, en 1623, tout en étant professeur de grec, puis à Heiligenstadt, où il enseigna la grammaire. De 1625 à 1628, il étudia la théologie à Mayence, y faisant ses premières observations au télescope et dressant le plan de la principauté à la demande de l'électeur-archevêque, pour lequel il réalisa également diverses curiosités mécaniques. Ordonné prêtre en 1628, il passa son année de probation à Spire, et fut nommé en 1629 professeur de philosophie, de mathématiques, d'hébreu et de syriaque à l'université de Wurtzbourg, où il publia, en 1631, son premier ouvrage, l'Ars magnesia, consacré à la mesure du magnétisme terrestre. En automne de cette même année, fuyant cette fois les troupes de Gustave Adolphe, il gagna la France, en compagnie d'un autre jésuite, Andreas Wiegandt. Il descendit, en passant par Lyon, jusqu'à la principauté papale d'Avignon pour y enseigner les langues orientales et les mathématiques. Là, il rencontra les astronomes Johannes Hevelius et Salomon Azubins de Tarascon, et se lia d'amitié avec l'humaniste Fabri de Peiresc. Celui-ci l'incita à se consacrer au déchiffrement des hiéroglyphes et le présenta à Gassendi qui fut impressionné par son érudition. En septembre 1633, il fut appelé au collège des jésuites de Trieste, mais il ne parvint jamais dans cette ville : ayant pris le bateau pour Gênes, il essuya une tempête, fit naufrage et, après diverses péripéties, finit par se retrouver à Rome où il apprit que, sur l'intervention de Peiresc et du cardinal Francesco Barberini, le pape Urbain VII lui signifiait de s'installer au Collège romain, dont il obtint la chaire de mathématiques en 1635. De 1637 à 1638, il accompagna, comme père confesseur, le landgrave Frédéric de Hesse-Darmstadt dans l'Italie du Sud, en Sicile et à Malte, mettant à profit ce voyage pour faire des observations de sciences naturelles : il assista en particulier aux éruptions de l'Etna et du Stromboli, et alla jusqu'à descendre au bout d'une corde dans le Vésuve en état d'éruption latente. En 1643, il abandonna son poste de professeur de mathématiques pour se consacrer uniquement à la rédaction de ses ouvrages (une quarantaine au total). Il a en outre laissé près de deux mille lettres inédites qui nous le montrent en relation avec les savants les plus éminents de toute l'Europe, ainsi qu'avec les missionnaires jésuites du monde entier, dont les informations lui permirent d'écrire, par exemple, son célèbre ouvrage sur la Chine,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Sylvain MATTON : docteur en philosophie, attaché de recherche au C.N.R.S.
Classification
Autres références
-
AUTOMATE
- Écrit par Jean-Claude BEAUNE , André DOYON et Lucien LIAIGRE
- 6 648 mots
- 2 médias
...les trésors du monde « pour acheter les ressorts » d'un moucheron et s'applique à imaginer un « modèle » pour expliquer la phonation. Le père Athanase Kircher (1601-1680), inventeur d'une machine à écrire, ira plus loin et réalisera une tête automate qui profère des sons. À la même époque, Hans Slotthein... -
CINÉMA (Aspects généraux) - Les techniques du cinéma
- Écrit par Michel BAPTISTE , Pierre BRARD , Jean COLLET , Michel FAVREAU et Tony GAUTHIER
- 17 534 mots
- 17 médias
...la caverne (République, vii). Léonard de Vinci parle déjà de la chambre noire et dessine une lanterne de projection. En 1646, le jésuite allemand Kircher construit une lanterne magique. Avant eux, le moine Bacon au xiiie siècle, et sans doute les Romains, avait déjà utilisé la lanterne magique. En... -
COLOSSAL, art et architecture
- Écrit par Martine VASSELIN
- 3 262 mots
- 17 médias
...jardins de Babylone, le phare d'Alexandrie, le mausolée d'Halicarnasse, l'Artémision d'Éphèse. Dans l'ouvrage rédigé par Athanasius Kircher à la demande du pape Innocent X Pamphili, Obeliscus Pamphilius (Rome, 1650), on voit exprimée la problématique du colossal ; la technologie... -
COULEURS, histoire de l'art
- Écrit par Manlio BRUSATIN
- 10 328 mots
- 2 médias
...vision née de la magie expérimentale sur la lumière et les couleurs, qui trouve son aboutissement dans l'Ars magna lucis et umbrae du père jésuite Athanasius Kircher (1646), somme des diverses théories proto-scientifiques et artistiques tirées de l'observation de la lumière et des couleurs (... - Afficher les 10 références