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KIRCHER ATHANASIUS (1602-1680)

Une œuvre monumentale

Si Kircher (dont les traités étaient impatiemment attendus et les lettres humblement sollicitées, entre autres par le jeune Leibniz) fut considéré par ses contemporains comme un des plus brillants esprits de son siècle, une tradition instaurée par A. Erman (cf. Allgemeine Deutsche Biographie, 1882, s.v.) ne voulut plus, au contraire, voir en lui qu'un compilateur sans génie, impuissant à produire des synthèses utiles ou des idées fécondes. Sans doute fit-il preuve d'un attachement exagéré à la tradition scolastique et, victime de son infatigable curiosité, dispersa-t-il trop ses recherches ; sans doute aussi peut-on lui reprocher une excessive attirance pour l'insolite et le merveilleux (encore qu'il affirmât qu'il était possible d'assigner une cause « naturelle » à chaque phénomène, si prodigieux fût-il), ainsi qu'un manque d'esprit critique, voire une confondante crédulité. Cependant, il ne nous en apparaît pas moins comme une intelligence vaste et inventive, capable de brillantes intuitions.

Bien que le magnétisme ait constitué un de ses plus anciens centres d'intérêt, ses publications sur cette question n'apportent guère d'éléments théoriques nouveaux par rapport à celles de W. Gilbert ou du jésuite N. Cabeo. Dans son principal ouvrage sur ce sujet, le Magnes sive de arte magnetica (1641, 2e et 3e éd. augmentées 1647 et 1654), il se préoccupe surtout de ses applications pratiques à la navigation et à l'arpentage, et il décrit de nombreux jouets magnétiques. Dans son bref Magneticum naturae rerum (1667), qui analyse les trois règnes de la nature, il montre que tous les mouvements des choses, toutes les actions des êtres se font par sympathie et antipathie, attraction et répulsion, Dieu étant « l'aimant central de la nature entière ». Et Kircher attribue à chacune des personnes de la Trinité une des trois forces caractérisant l'aimant : au Père, qui « embrasse toutes choses en lui en tant que source abyssale de tous les êtres et lie à lui le cœur de tous les hommes », convient la « force attractive » (vis attractiva) ; au Fils, qui, Logos et Sagesse, est la raison de toutes choses, la « force qui dispose » (vis dispositiva) ; à l'Esprit-Saint, qui est amour, la « force de connexion » (vis connectens).

Dans le domaine de l' astronomie, en revanche, Kircher fut le premier à dépeindre Jupiter et Saturne – qu'il représenta toutefois sans son anneau complet. Refusant la distinction traditionnelle entre un monde supralunaire incorruptible et un monde sublunaire soumis à la génération et à la corruption, il interpréta les taches solaires comme des bouffées de fumée montant d'une fournaise. Il s'intéressa tout particulièrement aux éclipses et aux comètes, sur lesquelles il fournit de nombreuses informations à des astronomes comme J. Hevelius, G. D. Cassini ou G. B. Riccioli, l'auteur d'un des ouvrages d'astronomie les plus populaires du xviie siècle, qui donna le nom de son confrère jésuite à un cratère de la Lune. Mais Kircher n'adopta pas le système de Copernic (bien que, selon Peiresc, il le tînt pour scientifiquement indépassable), lui préférant officiellement celui de Tycho Brahe, et son Itinerarium exstaticum (1656) où il expose ses conceptions astronomiques sous la forme littéraire d'un voyage dans le système solaire (celui de Théodidacte conduit par l'ange Cosmiel) reçut un accueil mitigé. Y reprenant à son compte les analyses du De docta ignorantia de Nicolas de Cues, dont il donne de longs extraits en omettant, à son habitude, de mentionner leur origine, Kircher fait de Dieu le « maximum absolu » (maximum absolutum) et du monde le « maximum réduit » (maximum contractum), qui reproduit de manière restreinte le maximum absolu. Ce monde ne saurait être[...]

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Écrit par

  • : docteur en philosophie, attaché de recherche au C.N.R.S.

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