ATHÈNES
Athènes, capitale de la Grèce contemporaine
Pour le touriste et l'homme cultivé, Athènes se résuma longtemps à l'Acropole. Pour l'observateur, elle s'identifia au cours de la seconde moitié du xxe siècle au « miracle » grec, symbole du développement économique du pays. Aujourd'hui, Athènes se pose parfois en « ville globale », quand elle organise les jeux Olympiques (2004), et qu'elle fait jeu égal avec les grands du monde grâce à la marine marchande grecque. C'est une situation paradoxale. Avec 3,8 millions d'habitants au dernier recensement (2001), le « nome » (département) d'Attique, qui regroupe l'essentiel de la région urbaine athénienne, est très loin des agglomérations tentaculaires de la Méditerranée orientale (Le Caire-Alexandrie ou Istanbul). Et, contrairement à la plupart des grandes cités du bassin, et aux images qui s'attachent à leurs noms, l'Athènes contemporaine est une ville neuve, refondée en 1834, dans le souci de doter la Grèce renaissante d'une capitale symbolique. On ajoute ainsi au paradoxe de la démographie l'inconséquence de l'histoire.
Les transfigurations d'une capitale olympique
C'est pourtant cette image banale de l'hypertrophie urbaine, d'une tête trop lourde pour un corps trop frêle, qui retient encore souvent l'attention. L'agglomération athénienne, dans la continuité de l'espace bâti – le triangle de plaine ceinturé par l'Hymette (1 026 m), le Pentélique (1 109 m), le Parnès (1 413 m) et l'Aigaléo –, rassemble quelque 3 millions d'habitants. Mais c'est près de 4 millions de résidents qui sont massés dans la région urbaine de la capitale : entre Corinthe à l'ouest, Thèbes au nord, Khalkis au nord-est, le cap Sounion au sud-est, dans un rayon de 100 kilomètres, la totalité des activités, des flux de transports, d'individus, de biens, d'informations, dépend quotidiennement du cœur de la ville.
Cette condensation spatiale se produit dans un petit pays, faiblement peuplé. Façonnée par une fécondité malthusienne depuis des décennies, minée traditionnellement par l'émigration, mais bénéficiant avec l'effondrement du système communiste d'une forte immigration légale ou clandestine, la population de la Grèce dépasse à peine 11 millions d'habitants (2010). De plus, malgré quelques revivifications provinciales spectaculaires, souvent dopées par le tourisme (les Cyclades) ou le développement agricole (la Crète), la Grèce « utile » se contracte encore autour d'un croissant fertile Thessalonique, Athènes, Patras, même si cet axe des dynamismes a tendance à s'affaiblir. À la jonction des deux cornes dissymétriques de ce dispositif (Patras est à 200 kilomètres, Thessalonique à 600), la capitale accumule tous les déséquilibres : un bon tiers des Grecs y est concentré dans la partie méridionale du pays, la moins dynamique, et la croissance urbaine s'y est faite à un véritable rythme latino-américain pendant plusieurs décennies (la population de l'agglomération ne comptait que 1,1 million d'habitants en 1951) dans une atmosphère générale de vieillissement.
Ces disparités démographiques trouvent évidemment leur répondant économique, plus accentué encore. La région athénienne est la métropole du développement moderne de la Grèce. Malgré une désindustrialisation banale, elle accueille les usines les plus importantes et les plus productives. On y trouve aussi bien des activités à forte valeur ajoutée (édition, laboratoires pharmaceutiques) que les industries lourdes classiques (sidérurgie, raffineries, cimenteries), notamment à l'ouest, autour de la baie d'Éleusis. Et la concentration est plus grande pour les services publics et privés. Cette suprématie peut tourner à la domination absolue pour certaines[...]
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Écrit par
- Guy BURGEL : professeur à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
- Pierre LÉVÊQUE : professeur émérite de l'université de Franche-Comté
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