ATLANTA (JEUX OLYMPIQUES D') [1996] Contexte, organisation, bilan
Désigner la ville d'accueil des XXIIIes jeux Olympiques d'été revêt pour le CIO, réuni pour sa quatre-vingt-seizième session du 16 au 20 septembre 1990 à T̄okȳo, une importance particulière : en effet, ceux-ci se tiendront en 1996 et célébreront donc le centième anniversaire des jeux Olympiques de l'ère moderne. Six villes sont candidates : Athènes (Grèce), Atlanta (États-Unis), Belgrade (Yougoslavie), Manchester (Grande-Bretagne), Melbourne (Australie) et Toronto (Canada). Dans cette perspective de commémoration, le choix d'Athènes semble s'imposer : revenir cent ans plus tard dans la capitale hellène, berceau de l'olympisme, où la volonté de Pierre de Coubertin et l'acharnement de Dimitrios Vikelas avaient permis de donner le coup d'envoi de la plus grande aventure sportive de tous les temps apparaît comme une quasi-évidence.
Mais, en suivant le fil du déroulement du scrutin, le 18 septembre, cette certitude s'effiloche : cinq tours s'avèrent nécessaires ; Belgrade, Manchester, Melbourne et Toronto sont successivement éliminées ; Athènes se trouve en tête durant les deux premiers tours, Atlanta la rejoint au troisième, la dépasse au quatrième. Au cinquième tour, Atlanta recueille cinquante et une voix, Athènes seulement trente-cinq : les Jeux du centenaire se tiendront non pas dans le berceau de l'olympisme renaissant, mais dans la capitale de la Georgie américaine, l'empire de Coca-Cola et de CNN, le temple de la boisson gazeuse et de la télévision. Douze ans seulement après l'édition de Los Angeles, les Jeux sont de retour aux États-Unis.
Par ce choix, le CIO indique clairement qu'il souhaite ancrer à marche forcée le mouvement olympique dans la modernité économique, quitte à sacrifier la commémoration symbolique. « Le Coca-Cola l'a emporté sur le Parthénon », résume alors Melina Mercouri, ancienne ministre grecque de la Culture. En fait, cette formule s'avère très réductrice. D'une part, le comité de candidature athénien, trop sûr de son fait car il considérait les Jeux du centenaire comme revenant de droit à la Grèce, a présenté un projet non abouti, puis il a multiplié les maladresses, mêlant dans ses discours les références historiques et les propos suffisants. D'autre part, le comité de candidature d'Atlanta, présidé par l'avocat d'affaires Bill Payne, a parfaitement su convaincre les « cardinaux » en mettant en avant le double visage de la ville : d'un côté, la métropole est en pleine expansion économique, elle crée chaque année des milliers d'emplois en s'appuyant sur les nouvelles technologies, ce qui lui vaut le surnom de « Silicon Valley du Sud-Est américain » ; de l'autre, Andrew Young, qui fut le compagnon de lutte de Martin Luther King puis le charismatique maire noir de la ville de 1981 à 1989, a su démontrer, en fin diplomate tiers-mondiste, que l'image du Deep South (Sud profond) associée à Atlanta devait se voir rangée dans le rayon des souvenirs, ce qui a permis de rallier de nombreux délégués à la cause d'Atlanta.
Une fois le succès acquis, il faut mettre en place les structures organisationnelles des Jeux : le comité de candidature se transforme en comité d'organisation (Atlanta Committee for the Olympic Games, ACOG), Bill Payne conservant la présidence. À l'instar de Peter Ueberroth pour l'édition de Los Angeles en 1984, il adopte le principe du financement des Jeux sur fonds privés, mais la Ville d'Atlanta, l'État de Georgie et le gouvernement fédéral sont associés à quelques financements conjoints.
Bill Campbell, élu maire d'Atlanta en 1993, ne cherche pas à profiter des Jeux pour engager une politique urbanistique globale : sa démarche se situe aux antipodes de l'option de Pasqual Maragall, maire de Barcelone, qui avait saisi[...]
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
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