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ATONALITÉ

C'est dans les premières années du xxe siècle, et surtout à partir de 1912 (année de la première audition du Pierrot lunaire d'Arnold Schönberg), que l'on commença à parler de musique « atonale » et, par extension, de ce qui devait être considéré, à tort, comme une technique – ou un ensemble de techniques – de composition musicale, et qui fut nommé « atonalité ».

En réalité, le mot atonalité ne s'applique à aucun style musical déterminé, mais il englobe tous les styles musicaux dans lesquels les règles du système tonal classique ne sont plus appliquées. Il existe donc à l'époque moderne, à partir du début du xxe siècle, quantité d'écoles musicales qui, à un titre ou à un autre, peuvent être qualifiées d'atonales. Le terme, toutefois, ne s'applique pas aux musiques qui existaient avant le système tonal et qui, par conséquent, n'y obéissaient pas encore. Jamais, par exemple, une musique modale (construite à partir d'un mode différent de celui de nos gammes classiques, majeures ou mineures) ne fut appelée atonale.

L'atonalité semble donc être moins liée à la disparition de la tonalité ou de la modalité qu'à celle d'un de leurs caractères communs : en effet, dans ces systèmes, un rôle particulier, prédominant, est accordé à l'une des notes de la gamme ou du mode, cette note apparaissant, sous le nom de « tonique », comme une sorte de pôle d'attraction. Une musique pourra donc être dite atonale lorsqu'elle ne contiendra ni ton, ni mode, ni aucune note ayant un rôle privilégié par rapport aux autres notes.

Dans la musique occidentale, les gammes des divers tons ou modes sont constituées par une suite de sept sons (par exemple : ut, , mi, fa, sol, la, si, pour la gamme appartenant au ton d'ut majeur). Mais l'évolution de cette musique s'est faite dans le sens d'un enrichissement progressif dont le résultat est la coexistence successive de plusieurs tonalités dans une même œuvre musicale (polytonalité). Chacun de ces changements de tonalité, à l'intérieur de la même œuvre, est une « modulation ». De plus, sans que la tonalité ait été changée, il arrivait fréquemment qu'il soit fait usage de notes et d'accords appartenant à une autre tonalité. Progressivement, on en est donc venu à utiliser, à l'intérieur d'un système dans lequel les sept degrés de la gamme classique continuaient à jouer le rôle d'une charpente invisible, les douze notes de la gamme chromatique. Cette évolution devient sensible à partir de la fin de l'époque romantique (chez Liszt, Wagner ou Mahler, par exemple).

En 1923, Schönberg, dans la valse qui constitue la dernière de ses Cinq Pièces pour piano op. 23, pratiqua l'utilisation systématique des douze sons de la gamme chromatique. Le système qu'il imagina à cette occasion fut appelé « dodécaphonique ».

Mais il répugnait à Schönberg d'entendre dire de sa musique qu'elle était atonale. Il préférait, quant à lui, l'expression de « pantonalité », considérant que sa musique n'était pas privée de cette sorte de pôle d'attraction dont la tonique fait fonction dans le système tonal et qu'il s'y présentait une coexistence simultanée de toutes les tonalités. Pour assurer la cohérence de l'œuvre, Schönberg avait eu l'idée de présenter les douze notes de la gamme chromatique sans omission ni répétition en fixant l'ordre de leur apparition. La matière première de la composition musicale devient alors une « série » de douze sons. Et on parle volontiers de « technique des douze sons » (Zwölftontechnik) ou de « technique sérielle » (Reihentechnik).

On aurait tort, cependant, de confondre musique sérielle et musique atonale ainsi que musique dodécaphonique. Il existe,[...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

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