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ATONALITÉ

Évolution de l'atonalité

On peut discerner trois périodes principales dans l'évolution des musiques dites atonales.

Dans la première, qui s'étend de 1908 environ (année où Schönberg commence à écrire ses Quinze Poèmes sur le Livre des jardins suspendus de Stefan George op. 15) à 1923 (année d'achèvement des Cinq Pièces pour piano op. 23), on peut considérer que le principe de la tonalité classique s'est trouvé complètement dissous dans le chromatisme. Les trois Viennois sont certes attachés à une écriture polyphonique et au principe de la variation, mais l'abandon de la tonalité et le rejet des moyens d'articulation qui l'accompagnent engendrent une musique athématique et favorisent, par un refus du développement et de tout épanchement sentimental, l'émergence de petites formes (Six bagatelles, pour quatuor à cordes, op. 9, de Webern, 1911 et 1913). Seul Berg sera attiré par les grandes formes (son opéra Wozzeck est composé entre 1917 et 1922). Cette période est celle de l'atonalité libre, dont les principales caractéristiques sont la « déhiérarchisation » des degrés de la gamme classique, le rejet de celle-ci au profit d'un total chromatisme, l'abandon des modulations et des polarités tonales, l'émancipation de la dissonance. Durant cette période, la musique devient souvent expressionniste.

L'absence de règles n'allait pas sans poser des problèmes. Comment, notamment, assurer l'unité d'une œuvre ? C'est cette recherche d'une cohérence qui explique qu'un grand nombre de pièces seront écrites sur un texte. Schönberg comprend cependant très vite que l'atonalité ne peut constituer qu'une étape. Troublé par l'absence de système et de règles harmoniques permettant de construire de grandes formes, il cesse pratiquement de composer entre 1915 et 1923 afin de réfléchir à l'organisation de cet univers nouveau : sa réflexion aboutit au dodécaphonisme sériel.

La deuxième période est celle qui s'écoule entre 1923 et le début des années 1950. La musique sérielle s'érige alors en un système aussi cohérent que celui de l'harmonie classique, avec des règles d'une extraordinaire précision. À l'intérieur même de cette période, on peut distinguer plusieurs étapes :

– En 1923, dans la Valse, dernière de ses Cinq Pièces pour piano op. 23, Schönberg utilise pour la première fois la méthode de composition à douze sons. Il applique cette méthode à une œuvre entière dans la Sérénade op. 24 (1923) et dans la Suite pour piano op. 25 (1923). Berg emploie le dodécaphonisme sériel dans ses dernières œuvres : la Suite lyrique, pour quatuor à cordes (1925-1926), son opéra inachevé Lulu, entamé en 1928, l'air de concertDer Wein (1929) et le Concerto pour violon « À la mémoire d'un ange » (1935).

– Dès 1940, les Variations pour orchestre op. 30 de Webern constituent un premier pas vers le sérialisme intégral, avec l'introduction d'une proportionnalité des durées.

– À la fin des années 1940, des compositeurs comme Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen ou Milton Babbit introduisent véritablement le sérialisme intégral. Pierre Boulez commence à explorer le sérialisme dynamique et rythmique dans sa Deuxième Sonate pour piano (1948). En 1951 et 1952, il étend le principe sériel à tous les paramètres du son dans le Premier Livre de Structures pour deux pianos.

John Cage - crédits : H V Drees/ Hulton Archive/ Getty Images

John Cage

La troisième période est celle où, par réaction contre l'extrême complexité qu'avaient atteinte les techniques sérielles, on vit se produire une véritable rupture : le dodécaphonisme étant abandonné, diverses techniques plus ou moins nouvelles furent proposées pour le remplacer. Il y eut d'abord les musiques dites aléatoires, dans lesquelles le ou les interprètes pouvaient improviser librement à partir d'une[...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)
  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

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