Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ATTITUDE

Recherches sociologiques et psychologiques

Une raison du succès de la notion d'attitude, étrangère aux raisons déjà citées, est qu'elle est apparue comme indispensable dans l'analyse de phénomènes qui devaient retenir l'attention des sociologues et des psychologues pendant de longues années.

La notion d'attitude est introduite par Thomas et Znaniecki parce que les individus qu'ils observent dans The Polish Peasant – à savoir les paysans polonais immigrés aux États-Unis – manifestent des comportements inadéquats par rapport aux normes sociales de la société d'accueil. Ils en concluent que le comportement individuel n'est pas explicable en termes fonctionnels : pour qu'un individu reconnaisse l'intérêt qu'il a, par exemple, à s'adresser à l'appareil judiciaire pour voir une situation réglée à son profit lorsqu'il est dans son bon droit, il faut d'abord qu'il ait une « attitude » positive à l'égard de la justice, c'est-à-dire qu'il admette qu'un différend avec autrui peut être réglé non directement, mais indirectement, par l'entremise de la société.

Mais la notion d'attitude s'est surtout imposée à partir du moment où les sociologues américains, obéissant à une contrainte ou à un besoin social diffus, se sont mis à se pencher sur le problème des préjugés raciaux. Les préjugés raciaux représentent effectivement un cas privilégié, où les comportements et opinions sont déterminés par des dispositions internes qui forment une sorte d'écran entre l'individu et la réalité sociale.

Un des livres classiques dans le domaine de l'analyse des préjugés est The Nature of Prejudice de G. W. Allport. L'auteur y présente une analyse systématique des distorsions perceptives engendrées par les préjugés, en même temps qu'il y expose une théorie du préjugé : sur le plan de la représentation, le préjugé assume une fonction de simplification. Il fournit des catégories tranchées qui permettent de classer les personnes et leurs comportements, d'expliquer simplement ces comportements (« ce n'est pas étonnant qu'il agisse ainsi, puisqu'il est juif »), de juger de ces comportements selon « le principe du moindre effort ». En outre, le préjugé a une fonction d'intégration sociale : il me permet de me sentir d'autant plus proche de certains groupes que j'en rejette d'autres.

Un autre ouvrage classique dans le domaine de l'analyse des attitudes est le livre d' Adorno et de ses collaborateurs, The Authoritarian Personality. Ici, l'accent est porté sur l'idée que les attitudes qu'on peut observer chez un individu sont des éléments non isolés, mais intégrés dans un système. Une attitude particulière est conçue comme le symptôme de ce qu'on peut appeler un syndrome de personnalité. C'est ainsi qu'Adorno a établi qu'une attitude antisémite, ou plus généralement ethnocentrique, allait généralement de pair avec tout un système d'attitudes. En effet, l'antisémite a tendance à être conformiste, c'est-à-dire à accepter sans discussion les valeurs reçues, caractéristiques des classes moyennes. Il a, en outre, tendance à concevoir les rapports personnels en fonction des catégories d'autorité et d'obéissance, à souligner le respect dû à l'autorité, à opposer brutalement le bien au mal, à énoncer que l'action d'autrui est guidée par l'égoïsme et le cynisme, etc. Des études ultérieures, comme les travaux de Stouffer sur l' anticommunisme, ont montré le bien-fondé de la théorie d'Adorno : on rencontre aussi chez les anticommunistes passionnels observés par Stouffer un syndrome d'attitudes dont les thèmes fondamentaux résident dans une séparation brutale du bien et du mal, et dans une vision généralement manichéenne[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : membre de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Médias

Structure latente, 1 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Structure latente, 1

Structure latente, 2 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Structure latente, 2

Autres références

  • ADAPTATION - Adaptation sociale

    • Écrit par
    • 2 256 mots
    • 1 média
    ... La première est représentée par exemple par les travaux de T. W. Adorno et de ses collaborateurs sur la Personnalité autoritaire : certaines attitudes sont enracinées au plus profond de la personnalité, elles en composent d'une certaine manière la structure ou sont les symptômes d'un certain...
  • CONFLITS SOCIAUX

    • Écrit par
    • 15 439 mots
    • 8 médias
    ...se croiser que dans l'aire où ils sont tous les deux amicaux. Mais le cas est de faible intérêt puisqu'il ne s'agit pas d'une véritable interaction, l' attitude de chacun des acteurs étant constante. Le saint répond à l'autre par des attitudes toujours amicales, mais d'autant plus fortes que celui-ci...
  • CONSOMMATION - Comportement du consommateur

    • Écrit par et
    • 9 030 mots
    • 1 média
    On appelle attitude une prédisposition à penser et à agir dans un sens particulier (favorable ou défavorable) vis-à-vis d'un objet, d'une personne ou d'une idée. Une attitude se compose de trois éléments : les croyances que l'on entretient vis-à-vis de cet objet, les sentiments qu'on éprouve à son endroit...
  • ENGAGEMENT

    • Écrit par , et
    • 11 615 mots
    • 1 média
    La conduite d'engagement est un type d'attitude qui consiste à assumer activement une situation, un état de choses, une entreprise, une action en cours. Elle s'oppose aux attitudes de retrait, d'indifférence, de non-participation. Elle doit, bien entendu, se traduire par des actes, mais, en...
  • Afficher les 9 références