ATTITUDE
Mesure des attitudes
Parce qu'elle implique l'idée de degré ou d'intensité, la notion d'attitude soulève un problème méthodologique important : celui de la détermination de cette intensité. On parle alors de la « mesure des attitudes ». À première vue, le problème prend l'allure d'un défi. Comment, en effet, mesurer ce qui, par définition, est inobservable et inobservé ?
Là aussi, psychologues sociaux et sociologues bénéficiaient d'un précédent dans le domaine de la psychologie, celui de Spearman, qui avait publié, en 1904, un article intitulé « General Intelligence, Objectively Determined and Measured ». En effet, l'intelligence ne peut, elle non plus, être observée. La logique de la procédure de Spearman est la suivante :
Imaginons que nous ayons fait subir à une population de sujets un ensemble d'épreuves. La quantité xij mesure la réussite du sujet i à l'épreuve j. Appelons Fi l'intelligence du sujet i. Si la tâche j met au jour cette faculté générale que le sens commun désigne par le vocable d'intelligence, xij est une fonction de Fi. De même, la réussite du sujet k à l'épreuve j est une fonction de Fk. En faisant des hypothèses analogues sur les autres épreuves, on obtient le modèle général suivant :
Ce modèle signifie que la réussite d'un sujet à épreuve est une fonction de son intelligence Fi, et d'autres facteurs propres à l'épreuve, à savoir lij. Quant au coefficient aj, il indique que la part de l'intelligence peut être différente dans la réussite à l'épreuve j et dans la réussite à l'épreuve k. Dans ce cas, aj sera différent de ak.
Moyennant certaines hypothèses supplémentaires, on peut, d'une part, déterminer la validité du modèle, d'autre part, le résoudre, s'il est valide, et connaître ainsi les quantités aj, qui mesurent la dépendance relative de la réussite aux différentes épreuves par rapport au facteur intelligence. En utilisant cette information, on peut ensuite construire une mesure d'intelligence.
C'est une logique analogue qui est utilisée dans la plupart des modèles de mesure des attitudes. Dans l'analyse des structures latentes, Lazarsfeld suppose qu'une attitude peut être représentée comme une variable continue latente. Selon l'intensité de cette attitude chez un sujet déterminé, ce dernier va avoir une probabilité différente de répondre d'une certaine manière à une question donnée. Ainsi, plus on est antisémite, plus la probabilité de répondre négativement à la question : « Consentiriez-vous à épouser un juif ? » est élevée. Cette idée peut être représentée par une ligne comme la courbe en trait continu indiquée sur la figure. À une autre question correspondrait une autre courbe de probabilité. En conséquence, on peut imaginer que la question : « Répugneriez-vous à avoir des relations d'amitié avec des juifs ? » aurait une forme différente de la première : à niveau d'antisémitisme égal, une réponse antisémite à cette question est sans doute moins probable qu'à la précédente ; la courbe hypothétique correspondante est représentée en pointillés sur la figure.
L'analyse des structures latentes permet, sous certaines conditions, étant donné les réponses à un ensemble de questions d'attitudes, de déterminer des caractéristiques de ces courbes de probabilité et, par suite, de localiser un individu sur la variable latente à partir de ses réponses aux questions.
Dans le domaine de la mesure des attitudes, le principal pionnier est L. Thurstone, qui publia en 1928 l'article « Attitudes can be measured ». Les méthodes de Thurstone reposent sur des modèles incluant des hypothèses relativement fortes. C'est pourquoi on ne s'en sert plus guère aujourd'hui. Après Thurstone, on a surtout utilisé des méthodes[...]
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Écrit par
- Raymond BOUDON : membre de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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