AU BORD DE L'EAU (SHUI HU ZHUAN), anonyme Fiche de lecture
Une apologie de la subversion
Au bord de l'eau repose sur une critique sociale acerbe : les brigands y incarnent des braves. S'ils commettent des assassinats et des atrocités, ils savent se battre pour la justice, contre les nantis et les puissants qui les trahissent. Les brigands deviennent alors des figures héroïsées, des champions au service des plus faibles livrés à l'arbitraire des représentants de l'autorité impériale. La bande forme leur seule et véritable famille, dans une tradition toute picaresque. L'empereur demeure au-dessus de tout soupçon mais, d'une manière très classique, l'auteur s'en prend à son entourage corrompu, prêt à toutes les compromissions pour conserver postes, avantages, faveur et pouvoir, fût-ce au prix des intérêts de l'Empire.
Véritable apologie de la subversion, incitation à la révolte contre les autorités, Au Bord de l'eau connut une longue mise à l'index, avant d'être remis à l'honneur par les révolutionnaires contemporains. Pourtant, le récit est loin d'être manichéen : certains hommes aisés s'y montrent bons et protecteurs, certains brigands, menteurs, hypocrites et cruels. La fin semble parfois devoir justifier les moyens, y compris les plus barbares, comme tuer de sang-froid un enfant de quatre ans pour obliger un nouveau membre à rejoindre définitivement la bande. L'homme y est présenté de manière pessimiste, en dépit d'un vernis de civilisation qui disparaît vite devant sa sauvagerie innée.
Toutefois, les versions plus tardives de l'œuvre insistent sur la rédemption de la troupe de brigands. « Bien que les hommes eussent au début suivi une voie sans issue, ils surent prendre conscience de leurs erreurs et s'amender ; ils devinrent gens civilisés ; leur conduite fut dès lors ferme et irréprochable, et leurs mérites à l'égard du bien public plus jamais ne devaient s'oublier », écrit un lettré en 1792, sous le règne de l'empereur Qianlong, qui se présente comme un « amoureux de l'ouvrage ». Les quarante derniers chapitres prennent alors le titre de Au bord de l'eau, livre postérieur, ou la Pacification des quatre grandes révoltes.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-François PÉPIN : agrégé d'histoire, docteur ès lettres, professeur au lycée Jean-Monnet, Franconville
Classification
Autres références
-
SHUI HU ZHUAN [CHOUEI HOU TCHOUAN]
- Écrit par Robert RUHLMANN
- 3 704 mots
Le Shui hu zhuan, Récit des bords de l'eau, est l'un des chefs-d'œuvre de la littérature romanesque chinoise. Écrit au xive siècle, à partir de traditions orales des xiie et xiiie siècles, il a pour sujet les aventures de cent huit brigands dont il idéalise les motivations sans...