AU ROYAUME DES OMBRES. LA PEINTURE FUNÉRAIRE ANTIQUE (exposition)
L'exposition qui s'est tenue au musée de Saint-Romain-en-Gal - Vienne, du 8 octobre 1998 au 30 janvier 1999 – Au royaume des ombres, la peinture funéraire antique – visait à faire comprendre, à partir de documents archéologiques et iconographiques, le sens que pouvait revêtir la mort pour les Anciens, et la place qu'occupaient les défunts, ces « ombres » de l'imaginaire antique, dans la société des vivants. La peinture funéraire est une source très précieuse puisqu'elle nous révèle la manière dont était envisagé le repos du défunt, les croyances qui lui étaient attachées. Souvent en bon état de conservation, cette peinture compense le silence presque complet des textes antiques sur un art d'ordre privé. Les critiques anciens en effet, tel Pline, évoquent une grande peinture qui, elle, a disparu. Destiné, selon la structure des sépultures, à être enfermé avec le mort, ou au contraire à être regardé par ses proches, le décor peint livre l'image que veut laisser de lui le défunt ou ce dont il veut s'entourer pour son dernier voyage. Mais il ne faut pas oublier que la présence de peintures dans une tombe est réservée à une élite, qu'elles sont l'expression d'un groupe social restreint.
Le premier intérêt de cette exposition thématique était de réunir des documents très divers, venus de sites éloignés les uns des autres dans l'espace et dans le temps, et de faire apparaître des convergences dans la conception qu'avait l'Antiquité gréco-romaine de la mort. Une première section précisait les rapports entre l'architecture des sépultures et leurs décors peints : ces deux éléments sont souvent associés pour recréer l'univers domestique du défunt, comme dans la tombe de Neuvy-Pailloux (Indre) en Gaule ; mais le décor se rapproche parfois de celui des temples, soulignant la dimension religieuse de la demeure. Les motifs sont mis en valeur par la composition d'ensemble de la paroi peinte : ainsi dans le tombeau de Maglij, en Bulgarie, où une alternance de palmettes et d'amphores surmonte une bande rouge unie. En même temps, le peintre reprend les motifs architecturaux, en organisant par exemple l'espace laissé libre par les loculi, niches abritant les urnes funéraires : dans le tombeau des Bustes de Qweilbeh, en Jordanie, panneaux losangés et colonnettes se succèdent.
L'exposition abordait ensuite le métier de peintre, à partir de documents dont certains, tel le sarcophage de Kertch, en Crimée, sont d'un intérêt exceptionnel : un peintre y est représenté au travail dans son atelier, avec un réalisme minutieux qui permet de mieux comprendre les techniques utilisées dans l'Antiquité, comme le chauffage de couleurs mélangées à de la cire. Mais rien n'indique que l'artisan se fût spécialisé dans le domaine funéraire, qui ne devait pas être séparé de la peinture domestique. L'exposition a ainsi permis de mesurer la fragilité d'une césure définie de manière rigide par la tradition universitaire sans que l'archéologie ait pu confirmer cette approche. Ce qui frappe, c'est l'anonymat de ces artistes, qu'explique en partie leur répartition par ateliers. La modestie de leur condition est attestée par le mobilier d'une tombe de peintre découverte à Nida-Heddernheim (Allemagne) : quelques godets et des objets très simples en céramique. Cependant, on sait que les décors des grandes tombes royales de Macédoine sont l'œuvre d'artistes appréciés, usant de techniques picturales élaborées.
Le parcours de l'exposition se concentrait ensuite sur les thèmes privilégiés par la peinture funéraire : ils renvoient surtout à la biographie du défunt et aux plaisirs de la vie, plus qu'aux représentations symboliques de l'au-delà. Ainsi, les belles peintures, datables de l'époque d'Auguste,[...]
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Écrit par
- Mathilde MAHÉ : ancienne élève de l'École normale supéreiure, agrégée-répétiteur à l'École normale supérieure
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