AU TEMPS DES MAMMOUTHS (exposition)
Des sources de l'art préhistorique au cœur de la science actuelle, l'exposition Au temps des mammouths (musée d'Art moderne de la Ville de Paris, 17 mars 2004-10 janvier 2005) a transporté ses visiteurs vers les steppes à la fois herbeuses, arides et glacées d'il y a 20 000 ans.
Objet de fascination, le mammouth a laissé sa trace dans la culture de nombreux peuples : sa haute silhouette énigmatique figure par exemple, pour les Sibériens, le gardien de l'accès à l'au-delà. Au xviie siècle, les savants, tels Jean Riolan, Louis Daubenton ou Georges Cuvier, s'y intéressent : ses ossements ne sont plus désormais les reliques, négociées à prix d'or, d'une créature mythique, mais un témoignage d'une espèce disparue, sujet d'étude pour les naturalistes.
Le genre Mammuthus rassemble un certain nombre d'espèces successives d'Éléphantidés, dont la plus récente est le fameux mammouth laineux, Mammuthus primigenius. Apparus en Afrique, il y a environ 5 millions d'années, ils ont disparu, pour les derniers d'entre eux, les mammouths de l'île de Wrangel, voici près de 4 000 ans. Depuis le « mammouth d'Adams », le premier exhumé en 1799 du sol de Sibérie, de nombreux autres spécimens ont été retrouvés entiers dans le permafrost (sous-sol des steppes gelé en permanence à – 15 0C). Ces conditions climatiques particulières ont en effet livré non seulement leurs squelettes et leur dentition, mais aussi leur peau très velue et leurs parties molles, y compris le contenu de leur estomac ! Par l'étude de ces restes fossilisés, les scientifiques cherchent à éclairer l'histoire naturelle des mammouths, leur environnement, leurs rapports avec les premiers hommes et les causes de leur extinction.
Un panorama interactif représente le paysage des steppes, peuplé d'espèces animales encore existantes et naturalisées, ou disparues et silhouettées. Un microscope permet de comprendre le travail des palynologues, qui reconstituent la maigre végétation du temps où vivaient ces pachydermes exclusivement végétariens : leur ration quotidienne se composait de 180 kilogrammes de nourriture et de 80 litres d'eau. Leur dentition, renouvelée cinq fois dans leur vie, comportait seulement deux molaires opérationnelles par mâchoire : vite usées par le sable et la silice ingérés avec l'herbe, elles tombaient au fur et à mesure, remplacées par les suivantes, de plus en plus grosses, aux lamelles d'émail de plus en plus nombreuses. Ses dernières dents détériorées, l'animal mourait d'inanition.
Son espérance de vie ne dépassait sans doute pas soixante ans, après une gestation d'environ deux ans. Haut de 60 à 80 cm à la naissance, allaité deux à trois ans, Mammuthus primigenius mesurait environ 2 à 3,50 m et pesait 5 tonnes à l'âge adulte. Sa croissance se ralentissait vers trente ans, sans jamais cesser tout à fait ; sa face se modifiait en effet au fil de l'évolution des défenses : ses incisives supérieures poussaient d'abord vers le bas en s'écartant, avant de s'incurver vers le haut, jusqu'à atteindre 1,70 m et 10 kg pour les femelles, 2,50 m et 50 kg pour les mâles. Parfaitement protégés du froid, grâce à leur peau, épaisse de 2 cm, leur toison velue (1 m de poil, 10 à 15 cm de sous-poil, un duvet dense) et leur 8 cm de graisse, ils vivaient en petits troupeaux, guidés par une matriarche dominante.
L'exposition présentait le bébé Dima, vieux d'environ 40 000 ans, mort d'épuisement dans des sables mouvants et découvert congelé à Magadan (Sibérie) en 1977. À ses côtés figuraient sept squelettes presque intacts : les six mammouths laineux de Sevsk, accompagnés de l'imposant mâle de Lyakhov, dont le squelette a été monté en 1957 par Yves Coppens.
Pour les[...]
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Écrit par
- Christine DELANGLE : assistante au Collège de France du professeur Yves Coppens, chaire de paléoanthropologie et préhistoire
Classification
Média