BEBEL AUGUST (1840-1913)
Fils d'un sous-officier prussien, orphelin de bonne heure, August Bebel est formé au métier de tourneur. Il entreprend un tour d'Allemagne en 1858. Il s'établit par la suite à Leipzig en 1861 où il adhère à la Société d'éducation ouvrière dont il devient vite un des principaux animateurs. Il est membre du comité permanent de l'Union des associations ouvrières allemandes en 1864. En 1865, Wilhelm Liebknecht, expulsé de Berlin, s'établit à Leipzig et adhère à la Société d'éducation ouvrière dont Bebel est devenu le président. La rencontre de l'intellectuel et journaliste au passé révolutionnaire déjà bien rempli et du jeune dirigeant ouvrier autodidacte marque une date dans l'histoire du mouvement ouvrier allemand. Bebel ne rompt pas tout de suite avec ses orientations libérales, il participe avec Liebknecht à la fondation du Parti populaire de Saxe et c'est sous cette étiquette qu'il assume son premier mandat de député au Reichstag d'Allemagne du Nord en 1867, inaugurant une longue et féconde carrière parlementaire.
Bebel se rapproche du marxisme et adhère à la Ire Internationale. Président de l'Union des associations ouvrières d'Allemagne, c'est sous son influence que celle-ci se déclare solidaire du programme de la Ire Internationale lors de son Congrès de Nuremberg en 1868. En 1869, rompant avec le Parti populaire, Liebknecht et lui fondent avec Bracke, à Eisenach, le Parti social-démocrate des travailleurs allemands, d'inspiration marxiste. Après Sedan et la proclamation de la république en France, il s'élève contre la poursuite de la guerre franco-allemande et proteste contre l'annexion de l'Alsace-Lorraine à l'Empire allemand. Il se solidarise avec les insurgés de la Commune de Paris. Inculpé de haute trahison, il est condamné à deux ans et neuf mois de forteresse, mais son éloquence et celle de Liebknecht ont fait de leur procès une tribune pour la diffusion des idées socialistes.
Après la réunification des deux branches, lassalienne et marxiste, du mouvement ouvrier allemand, au Congrès de Gotha en 1875, le rôle de Bebel devient déterminant lors de l'interdiction du mouvement socialiste en 1878. Dans un parti qui est condamné à la clandestinité et qui s'est réfugié dans les associations d'éducation ouvrière, les caisses mutuelles, les syndicats, l'activité parlementaire et les campagnes électorales revêtent une importance de premier plan. Le talent organisateur de Bebel qui parcourt des milliers de kilomètres, diffusant mots d'ordre tactiques et techniques d'agitation, son éloquence ardente et impérieuse qui contraint toute une Chambre farouchement hostile à l'attention, et souvent à l'admiration, font de lui le chef prestigieux du Parti ouvrier allemand, dont Marx et Engels reconnaissent et estiment le talent politique.
En 1891, au Congrès d'Erfurt, le parti socialiste allemand adopte un programme marxiste orthodoxe. Dès 1893, trois années après la levée de l'abrogation de la loi antisocialiste, le Parti social-démocrate est devenu le premier parti allemand. Cette année-là, Bebel, qui a été depuis 1874 le candidat des socialistes strasbourgeois, accepte de représenter la circonscription de Strasbourg au Reichstag, après la victoire électorale des socialistes dans la capitale du pays d'Empire. Tacticien hors pair, il est l'homme des synthèses qui rétablissent l'unité sans que soient mises en cause les orientations fondamentales. Partisan de l'expulsion des anarchistes au Congrès de la social-démocratie de 1890, il attaquera durement les « révisionnistes » sans vouloir aller jusqu'à l'expulsion d'un courant comptant beaucoup de syndicalistes. Bebel joue également un rôle de premier plan dans la IIe Internationale. Il est membre de son[...]
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Écrit par
- François IGERSHEIM : agrégé de l'Université, attaché de recherche au C.N.R.S.
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