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BEERNAERT AUGUSTE (1829-1912)

Fils d'un fonctionnaire de l'Enregistrement, Auguste Beernaert fait des études à l'université de Louvain, puis poursuit une carrière d'avocat à Bruxelles. Il fait partie du conseil de surveillance du journal libéral L'Étoile belge, mais ne joue pas de rôle politique avant d'être appelé, le 23 octobre 1873, au ministère des Travaux publics par le conservateur modéré Jules Malou. Catholique de religion, libéral en politique, Beernaert, qui est élu en 1874 député à Thielt en Flandre-Occidentale, fait preuve au cours de son passage de quatre ans au ministère de bonnes qualités d'administrateur. Après la victoire des libéraux en 1878, Beernaert affirme une influence croissante dans la droite catholique, au sein de laquelle il représente une ligne modérée. En 1884, il devient président de la Fédération des cercles et associations catholiques et joue un rôle déterminant dans les négociations qui mènent à la naissance, à Bruxelles, des « nationaux-indépendants ». La coalition des catholiques et des indépendants est victorieuse le 10 juin 1884. Beernaert entre dans le gouvernement Malou. Le roi Léopold inquiet de la politique menée par les catholiques intransigeants Jacobs et Woeste exige leur départ du gouvernement. Malou démissionne. Beernaert est appelé alors à former un gouvernement catholique modéré de « pacification politique et sociale », qui dure du 26 octobre 1884 au 26 mars 1894. Selon le mot de Pirenne, cet ancien « doctrinaire » passé à droite contraignit la droite catholique à une politique dont une grande partie de ses membres ne voulait pas.

Beernaert est favorable à une politique d'orthodoxie financière, partisan de la liberté des échanges où il voit la condition de la vie « à bon marché ». Ce libéral doit, après les graves troubles sociaux de 1886, entreprendre une politique sociale qui rencontre l'hostilité d'un personnel parlementaire attaché au non-interventionnisme, malgré le champ d'application modeste de cette politique : limitation du travail des enfants et des femmes de moins de vingt et un ans, construction d'habitations ouvrières. Sa politique de défense nationale, bien que soutenue par le souverain, n'est acceptée qu'avec beaucoup de réticence par la Chambre. S'il parvient à faire adopter la construction d'un réseau de fortifications, il ne peut imposer, au vif mécontentement de Léopold II, le service personnel, auquel la droite est hostile. Beernaert apporte d'autre part son appui à Léopold II en faisant accepter, le 28 avril 1885, l'Union personnelle du Congo et de la Belgique.

Beernaert, face aux revendications des socialistes et des démocrates, est convaincu de la nécessité d'un élargissement du droit de suffrage. Là encore, il se heurte à la droite catholique et à Woeste. En 1893 est établi le suffrage universel, tempéré par le vote plural. Mais Beernaert ne peut faire instaurer la représentation proportionnelle : son projet est rejeté le 17 mars 1894 et le Premier ministre démissionne. Devenu président de la Chambre de 1895 à 1900, il se voue alors surtout à l'Union interparlementaire pour la limitation des armements. Il préside le Congrès universel de la paix à Glasgow en 1901. Favorable aux États unis d'Europe et à l'arbitrage, il se voit attribuer le prix Nobel de la paix en 1909. Ce bourgeois libéral qui se voulut « fidèle aux grandes idées de 1830 » fit entrer la Belgique dans l'ère démocratique. Ce catholique modéré trouva parmi ses principaux adversaires les dirigeants intransigeants du parti catholique.

— Jean-Marie MAYEUR

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Écrit par

  • : professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-IV-Sorbonne.

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  • BELGIQUE - Histoire

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    La première législation sociale fut mise en œuvre sous le cabinet Beernaert (1884-1894). L'industrie et le travail se virent doter d'un ministère à part en 1895, mais les conseils de l'industrie et du travail étaient seulement habilités à donner des avis et se composaient de représentants du patronat...