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AUGUSTINISME

Les influences philosophiques

Par bonheur cette longue méditation de l'œuvre d'Augustin ne s'est pas trouvée limitée au problème ardu de la grâce et de la prédestination. La métaphysique augustinienne, caractérisée par le rôle central de Dieu et par l'intériorité des voies qui mènent à lui, a exercé une influence très nette sur les divers systèmes philosophiques médiévaux et classiques. L'ouverture de la culture occidentale à l'influence aristotélicienne, à partir de la fin du xiie siècle, aboutit au triomphe de la scolastique, c'est-à-dire d'une méthodedialectique mise au service d'une recherche toujours aussi passionnée de la vérité. Bien qu'Augustin ne fût plus, dès lors, l'unique maître, son influence demeura cependant incontestable.

Non seulement Thomas d'Aquin incorpore à son système de très nombreux passages de l'œuvre augustinienne, qu'il réutilise souvent en un sens différent, mais, dans la synthèse qu'il tente alors, c'est un véritable augustinisme qui se fond avec l'aristotélisme mis au service de la foi chrétienne. Ainsi, c'est un dialogue entre une pensée héritière de la Grèce, volontiers dialectique, et l'héritage de la patristique latine, qui s'élabore. Non sans résistances, et qui permettent de jauger l'importance des divers augustinismes : c'est autour d'une doctrine mieux comprise de l'évêque d'Hippone que se sont groupés les opposants au thomisme, désireux de maintenir une tradition illustrée par saint Anselme et l'école de Saint-Victor.

C'est sans doute dans l'œuvre de Jean Duns Scot († 1308) que l'on trouve la synthèse la plus complète entre un augustinisme strict et un aristotélisme mêlé, par ses filières arabes, de néo-platonisme : il édifie une métaphysique subtile et profonde par laquelle il expose comment, à partir de l'essence infinie et de la connaissance et de l'amour, se constitue un Dieu vivant, créateur et sauveur des autres êtres. En se révélant à l'homme, le Dieu en trois personnes appelle chacune de ses créatures à une analyse spéculative, à une œuvre de compréhension théologique, à une sorte de phénoménologie de l'Absolu. L'acte suprême, pour ce théologien qui se réclame de saint François d'Assise autant que d'Augustin, est d'aimer : la connaissance théologique est inséparable de l'union mystique ; c'est là une fidélité au message d'Augustin.

Le xviie siècle fut, surtout en France, le siècle augustinien par excellence, non seulement par la reprise, douloureuse, des problèmes de la prédestination, mais par l'importance de la pensée augustinienne dans le développement de la philosophie cartésienne. Non point, comme le dit lui-même Descartes, que ce dernier ait connu tels textes augustiniens qu'il aurait assimilés entièrement, mais parce qu'aux yeux des contemporains la rencontre du cartésianisme et de l'augustinisme parut merveilleuse. Malgré les différences fondamentales entre les deux philosophies, on commença par situer la doctrine de Descartes dans le prolongement strict de la pensée du Père de l'Église, qui, du coup, passa pour plus philosophe qu'il ne l'avait jamais été.

Ainsi s'explique la tentative de Malebranche, à la rencontre d'un cartésianisme réputé augustinisant et d'un augustinisme dont le père Charles Martin avait tenté de démontrer qu'il était, avant la lettre, cartésien (dans sa Philosophia christiana, achevée en 1671). Avec une fidélité parfois trop littérale et logique à la pensée d'Augustin, Malebranche a bien mis en évidence le rôle primordial de Dieu, accentué le mépris pour les causes secondes, dans le processus de la création comme dans le mécanisme de la connaissance intellectuelle[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur de l'Institut de recherches pour l'étude des religions
  • : agrégée de l'Université, docteur ès lettres, professeur et directeur du département de philosophie à l'université de Paris XII-Créteil

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