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AUGUSTINISME

L'augustinisme politique

La théorie médiévale de la théocratie pontificale

Le concept d'augustinisme politique appartient à l'histoire des doctrines politiques médiévales. C'est, en quelque sorte, par analogie avec ce qu'un certain nombre d'éminents historiens de la philosophie médiévale ont appelé l'augustinisme, et notamment Étienne Gilson, que H. X. Arquillière, dans son ouvrage intitulé L'Augustinisme politique, a élargi au domaine politique les caractéristiques de l'augustinisme en général, considéré comme une tendance « à fusionner l'ordre naturel et l'ordre surnaturel, à absorber le premier dans le second ». Il le définit comme le mouvement progressif par lequel « la vieille idée romaine de l' État a été absorbée par l'emprise croissante de l'idée chrétienne ». Autrement dit, l'influence des doctrines de la Cité de Dieu, notamment, a trouvé un champ de rayonnement privilégié dans l'élaboration des problèmes politiques qui, dès le haut Moyen Âge, a permis d'aboutir à la constitution de la « théocratie pontificale », c'est-à-dire à l'affirmation de la domination universelle, sur le plan temporel comme sur le plan spirituel, de la suprématie des papes sur les princes et les empereurs. Il s'agit donc, pour l'auteur de L'Augustinisme politique, moins d'analyser les vues proprement augustiniennes sur l'origine du pouvoir temporel, le rôle de l'État ou la nature de la loi que de mesurer l'importance de la référence à l'« autorité » d'Augustin pour les penseurs politiques médiévaux. Tout le Moyen Âge, on le sait, a lu et relu les œuvres des Pères de l'Église, et notamment celles de saint Augustin. Charlemagne lisait la Cité de Dieu ; à l'autre versant du Moyen Âge, à la fin du xive siècle, le roi Charles V la faisait traduire en français par Raoul de Presles, qui y ajoutait des commentaires. On voit donc combien l'œuvre d'Augustin a constitué une référence privilégiée dans l'élaboration de la problématique politique médiévale.

La thématique de la Cité de Dieu telle qu'elle a été élaborée par les penseurs médiévaux est passablement différente de la doctrine d'Augustin lui-même. Elle enveloppe, sous-jacente, celle d'une res publica christiana, d'une communauté politique de tous les chrétiens en tant que telle. Mais il faut distinguer : le peuple chrétien n'est pas l'Église ; il ne peut non plus être identifié à un corps politique, puisqu'il ne poursuit pas des fins temporelles par des moyens temporels, en tant qu'il participe aussi de la cité céleste. De ce point de vue, il passe infiniment la diversité des sociétés politiques. Pour les médiévaux, la république chrétienne est donc un ensemble temporel dont le lien constitutif est spirituel. Les relations de l'Église et de l'Empire, et, d'une manière plus générale, de l'Église et de l'État, pour employer un terme anachronique, mais qui a le mérite d'être parlant, s'éclaireront ainsi à la lumière de celles qui régissent les deux cités augustiniennes, mélangées (le texte d'Augustin dit perplexae) au sein de la cité terrestre. Mais un tel « mélange » implique subordination du temporel au spirituel : de là à dire que l'union du pape et de l'empereur sera celle du chef spirituel de la chrétienté et de son ministre temporel, il n'y a qu'un pas, que le pape Grégoire le Grand franchira aisément. Si le rôle primordial du royaume terrestre est de se mettre au service de l'Église, l'empereur, ou tout autre roi chrétien, aura ainsi des fonctions ministérielles, dont le pontife devra rendre compte à Dieu lui-même.

Saint Augustin, en revanche, donnait à entendre que la cité[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne, directeur de l'Institut de recherches pour l'étude des religions
  • : agrégée de l'Université, docteur ès lettres, professeur et directeur du département de philosophie à l'université de Paris XII-Créteil

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