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BOAL AUGUSTO (1931-2009)

Né à Rio de Janeiro, Augusto Boal fonde en 1956, à São Paulo, le théâtre Arena, qui raconte l'histoire et la vie quotidienne du Brésil. Mais dès 1964 il est contraint, par les dictateurs qui prennent le pouvoir dans son pays, à continuer son action théâtrale clandestinement, puis à partir de 1971 en exil en Argentine, au Pérou et au Portugal. En réponse aux oppressions, il invente le Théâtre de l'opprimé, radicalisant son expérience de théâtre politique : « Le théâtre est une arme, c'est au peuple de s'en servir. » Aussi Augusto Boal refuse-t-il l'oppression du théâtre comme forme qui enferme le spectateur dans la passivité. Il faut au contraire amener les participants à transformer le cours du jeu ; la représentation n'est plus préfabriquée par des spécialistes dans un lieu spécifique, elle s'invente chaque fois sur les lieux mêmes de l'activité quotidienne (usines, villages, lycées, foyers, etc.), à partir de situations concrètes proposées par l'assistance, mises en jeu avec la participation du plus grand nombre, selon des techniques appropriées qui pourront toujours être réutilisées ensuite, après le passage des acteurs militants. Le théâtre est préfiguration de la révolution : on se change en jouant, on joue pour changer la vie. « Assez du théâtre qui ne fait qu'interpréter la réalité : il faut la transformer. » Mais il n'y aura de réelle possibilité de transformation que si les techniques de jeu sont massivement diffusées, massivement pratiquées.

Ce théâtre reste aussi loin du happening spontané que du répertoire à reproduire. Il repose sur des règles précises, même si elles sont modifiables. On s'exerce à déjouer l'oppression quotidienne, à trouver ensemble des solutions à des problèmes en apparence insolubles (théâtre-forum), à lire une autre vérité dans un journal mensonger (théâtre-journal), ou encore à provoquer incognito des événements révélateurs dans des lieux publics ou dans la rue (théâtre invisible). On aura moins le souci de la perfection (qui isole le virtuose), que celui de l'intervention, même maladroite, de chacun. Tout homme doit retrouver sa capacité d'expression, sans déléguer aucun pouvoir, même « artistique », à personne. « Tout le monde peut faire du théâtre, même les acteurs. » Ces « jeux pour acteurs et non-acteurs » ne sont pas une œuvre d'art, mais l'art de mettre en œuvre des talents enfouis, l'art du plaisir actif et collectif.

L'effondrement des espoirs révolutionnaires en Amérique du Sud a évidemment influé sur la pratique de Boal. Celui-ci tente alors d'adapter son théâtre aux salles conventionnelles et, à partir des années 1980, se consacre essentiellement à la mise en scène (O Corsário do rei, 1985 ; Phèdre, 1986). Il réside en France de 1978 à 1986, puis il retourne à Rio de Janeiro. Là, il établit un Centre du Théâtre de l'opprimé et développe l'idée d'un théâtre législatif, qui articule le travail conduit par des groupes d'opprimés avec celui des juristes.

Augusto Boal a publié de nombreux essais dans lesquels il théorise sa pratique du théâtre. Parmi eux, Le Théâtre de l'opprimé (1974), 200 exercices de théâtre (1977), L'Arc-en-ciel du désir : du théâtre expérimental à la thérapie (1990).

— Jacques NICHET

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