DUPONT AURÉLIE (1973- )
Un tournant décisif
En 1997, Aurélie Dupont rencontre Pina Bausch qui l’a choisie pour le rôle de l’Élue dans sa version du Sacre du printemps. Cette chorégraphe explique son choix par un commentaire qui fera profondément réfléchir la danseuse : « Vous êtes une femme très dure, vous êtes une danseuse très dure, mais je suis sûre que vous êtes sensible, et c'est la raison pour laquelle je vous ai choisie, et je veux que vous me le montriez. Car votre puissance, votre force, ça m'est égal. Je veux voir votre cœur. » À partir de ce moment, Aurélie Dupont modifie sa façon de travailler. Elle prend le risque de ne plus être un « monstre technique » et renonce aux rôles les plus implacables pour se consacrer à ceux qui demandent une finesse d’interprétation digne des plus grandes actrices. Un an plus tard, le 31 décembre 1998, elle est nommée étoile à l’issue de la représentation de Don Quichotte, dans la version de Rudolf Noureev. Mais, loin de savourer ce moment, elle a l’impression de ne pas être à la hauteur de ses aînées et d’avoir été choisie comme « on mise sur un poulain ». Par la suite, une fracture du cartilage au genou l’éloigne de la scène durant un an et demi. Alors qu’on lui prédit la fin de sa carrière, elle en profite pour réfléchir à ce qu’elle attend de la danse.
Aurélie Dupont revient dans L’Histoire de Manon (chorégraphie de Kenneth MacMillan) qui lui permet de déployer son talent de tragédienne. Depuis, elle reconnaît préférer les rôles à la fin tragique, les ballets narratifs qui exigent l’expression de toutes les nuances d’un personnage. Troublante dans Bella Figura (Jiří Kylián, 2001), intrigante et fragile dans Il faut qu’une porte… (Jiří Kylián, 2004), impressionnante dans La Dame aux camélias (John Neumeier, 2006), émouvante dans Onéguine (John Cranko, 2011), diaphane dans Giselle (2000), palpitante dans Roméo et Juliette de la chorégraphe allemande Sasha Waltz (2007), Aurélie Dupont enchaîne les créations dans lesquelles elle peut laisser libre cours sur scène à un tempérament passionné. Elle a souvent pour partenaire Manuel Legris, avec lequel elle forme l’un des couples modèles de l’Opéra de Paris, puis Hervé Moreau. En 2014, elle se montre éblouissante dans Mademoiselle Julie, une œuvre de Birgit Cullberg, d’après August Strindberg, où elle met en évidence les multiples facettes d’une héroïne perturbée. Cela ne l’empêche pas de développer un autre aspect de son talent qui consiste à sublimer une danse plus contemporaine, où l’élégance tient au raffinement du mouvement pur comme dans O Zlozony/ O composite (Trisha Brown, 2004), Amoveo (Benjamin Millepied, 2006), Siddharta (Angelin Preljocaj, 2010), L’Anatomie de la sensation (Wayne McGregor, 2011). Elle brille particulièrement dans DarknessisHiding Black Horses du chorégraphe japonais Saburo Teshigawara (2013) avec lequel elle a l’impression « de revenir à la source » de la danse. Elle créera d’ailleurs avec lui Sleep en 2015. Le 18 mai 2015, Aurélie Dupont fait ses adieux à la scène de l’Opéra national de Paris avec L’Histoire de Manon. Mais, le 4 février 2016, pour succéder à Benjamin Millepied – alors démissionnaire –, elle est nommée à la direction de la danse de cette institution. Elle prend officiellement ses fonctions en septembre 2016 et démissionnera le 31 juillet 2022.
Aurélie Dupont affirme haut et fort qu’une danseuse, même étoile, est une femme moderne. Mère de deux enfants, qu’elle a eu avec le danseur étoile Jérémie Bélingard, elle a su imposer une image de la danseuse à l’écart des clichés et des a priori d’un autre âge.
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Écrit par
- Agnès IZRINE : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse
Classification
Média
Autres références
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LEGRIS MANUEL (1964- )
- Écrit par Jean-Claude DIÉNIS et Agnès IZRINE
- 1 198 mots
- 1 média
...ensuite Manuel Legris dans Phrases de Quatuor (2003) de Maurice Béjart, Variations sur Carmen, que Roland Petit écrit pour lui, Doux Mensonges. Il faut qu'une porte… (2004), un duo de Jiri Kylian qu'il interprète avec Aurélie Dupont, O Zlozony/OComposite (2004 et 2007) de Trisha Brown.