AURORE POLAIRE
Spectres et mécanismes d'émissions
Pour l'essentiel, les émissions lumineuses aurorales proviennent de la désexcitation des composants neutres et ionisés de la haute atmosphère dont l'état excité, et éventuellement ionisé, résulte de l'impact d'une particule énergique ou d'une réaction chimique telle qu'une recombinaison radiative :
ou dissociative :Ce sont surtout les électrons primaires incidents, d'énergie comprises entre une centaine d'électronvolts (eV) et quelques centaines de kiloélectronvolts, et les électrons secondaires d'énergie inférieure à 50 électronvolts, créés lors des collisions successives des électrons primaires avec les constituants neutres, qui sont à l'origine des processus d'excitation et d'ionisation. Le spectre de ces émissions traduit donc la composition de l'atmosphère dans la gamme d'altitude affectée par ces particules énergiques, c'est-à-dire de 90 à 300 kilomètres environ. Il est dominé par les bandes moléculaires et les raies atomiques de l'azote et de l'oxygène ou de leurs ions. Parmi les raies atomiques les plus intenses, on trouve des raies interdites de l'oxygène atomique, d'une part à 557,7 nanomètres (raie verte), résultat de la transition du niveau d'énergie 1S au niveau 1D, d'autre part à 630,0-636,4 nanomètres (raie rouge), qui résulte de la transition du niveau 1D au niveau 3P. À basse altitude, c'est-à-dire de 90 à 180 kilomètres environ, la raie rouge de l'oxygène est faible, car le temps moyen de collision de O (1D) avec les composants de l'atmosphère neutre est très petit devant le temps moyen d'émission de la raie 630,0 nanomètres (110 s) : les atomes dans l'état 1D ont donc une probabilité beaucoup plus grande de céder leur énergie aux autres composants de l'atmosphère au cours d'une collision que de se désexciter seuls en émettant un photon ; c'est le phénomène bien connu de désactivation collisionnelle. Par contre, la décroissance exponentielle de la densité atmosphérique lorsque l'altitude augmente entraîne une diminution identique de la fréquence des collisions et, au-delà d'environ 200 kilomètres, cette désactivation perd rapidement de son importance. En outre l'énergie d'excitation du niveau 1D (1,96 eV) est nettement plus faible que celle du niveau 1S (4,17 eV) ; par suite, la probabilité d'excitation au niveau 1D est bien plus grande dans les conditions aurorales en raison du spectre en énergie des électrons secondaires de quelques électrons-volts à quelques dizaines d'électrons-volts qui assurent l'essentiel de l'excitation. Ces deux effets cumulés aboutissent à une intensification considérable de la raie rouge au-delà de 200 kilomètres qui devient alors largement majoritaire. Parmi les bandes moléculaires, la plus forte dans le visible est la première bande négative de l'ion N+2 (B2Σ u+ → X2Σg+), avec une émission à 391,4 nanomètres dont l'intensité est comparable à celle de la raie verte de l'oxygène, et une émission plus faible à 427,8 nanomètres. Lorsque la partie supérieure des formes aurorales est éclairée par le Soleil, ce qui est le cas lors des longs crépuscules des hautes latitudes, l'intensité des émissions de N+2 , en particulier de celle à 391,4 nanomètres, est très fortement augmentée par diffusion fluorescente des photons solaires, dans une proportion de 1 à environ 100. Cela explique l'aspect déroutant de certaines aurores : au-dessus d'une région d'émission assez intense dans la raie verte (vers 100-120 km), se trouve une zone sombre surmontée par une zone de couleur violette. En effet, la diffusion fluorescente intensifie l'émission à 391,4 nanomètres et la fait passer au-dessus du seuil de visibilité dans la tranche d'altitude[...]La suite de cet article est accessible aux abonnés
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Écrit par
- Jean-Jacques BERTHELIER : ingénieur en chef au C.R.P.E., C.N.E.T.
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