AUTO SACRAMENTAL
L'époque de Lope de Vega
L'étonnant foisonnement des comédies de Lope de Vega et de ses émules multiplia les sources d'inspiration des autos. Maître Joseph de Valdivielso, théologien poète, fut le premier à pouvoir publier un recueil de Douze Autos sacramentales et douze comédies divines (1622). Il exploite librement a lo divino la comédie lopesque de L'Hôpital des fous. Ce dernier devient aussi l'hôpital de la Faute. Les vices y déchaînent leurs chants et leurs danses : Luzbel conduit le bal. Mais Raison (noble vieillard) veille dans les hauteurs. L'Âme, d'abord folle et enchaînée, est réconfortée par la divine Inspiration. Le Christ en personne intervient lyriquement : un changement de décor à vue a fait apparaître le Sauveur dont le sang se métamorphose en sept « boîtes comme de pharmacie », les sept sacrements. Valdivielso s'empare pareillement du Vilain dans son coin de Lope, qui tournait autour du thème de la félicité paysanne troublée par l'irruption du roi égaré au cours d'une partie de chasse. Malgré lui, le vilain trop sûr de son indépendance devra accepter les faveurs du souverain. Dans l'auto, c'est du roi du ciel qu'il s'agit : il surgit en chasseur d'âmes.
Un fait divers tragique, celui de La Montagnarde de la Vera de Plasencia, la femme outragée et devenue brigand, après avoir inspiré Lope et Vélez de Guevara, fournit un autre drame surnaturel de l'Âme passant d'Illusion (Engaño) à Désillusion (Desengaño). Au dénouement, c'est l'Époux divin armé de flèches qui s'interpose entre la montagnarde et les arbalétriers de la gendarmerie ou Santa Hermandad. Le vrai criminel, Engaño, est mis à mort. Le pain et le vin distribués au populaire pour fêter la disparition d'un malfaiteur sont le don surnaturel du corps et du sang du Christ.
Le couple sacré de l'Époux et de l'Épouse a une place remarquable dans les autos de Lope de Vega lui-même, dont le théâtre profane se caractérise par l'exaltation de l'amour et par un goût très vif de la poésie rustique. Il fut naturellement tenté par L'Épouse du Cantique des cantiques qu'une tradition bien enracinée traitait en allégorie de l'Âme, objet de l'amour divin, et en héroïne d'une sorte d'églogue enflammée. Son chef-d'œuvre eucharistique, La Moisson, est un drame fondé sur la parabole du semeur (Mtt. xiii, 24-30 et 36-43). L'héroïne en est l'épouse fidèle, aimée comme peut l'être une Casilda épouse de Peribáñez, le paysan, triomphant des tentations de Superbe et d'Envie, ces gitanes, dont la première a la langue bien pendue. Le blé semé sera bien défendu de l'ivraie. Tout finira par le triomphe des sacrements.
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Écrit par
- Marcel BATAILLON : ancien élève de l'École normale supérieure, membre de l'Institut, administrateur honoraire du Collège de France
Classification
Média
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