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AUTOBIOGRAPHIE, notion d'

Auto-bio-graphie : écriture de sa propre vie, écriture par soi de sa vie. Le terme est double : au sens large, est autobiographique toute écriture intime ; au sens étroit, l'autobiographie, distincte des Mémoires, du journal intime ou de l'autoportrait, est un genre parmi d'autres de l'écriture personnelle. Mais ce dernier a connu un succès immense, qui l'a conduit à annexer toute expression supposée vraie du moi, au lieu même de la fiction (ainsi parle-t-on de « roman autobiographique »). Pourtant ce triomphe est paradoxal : il s'est joué au moment où le romantisme définit la littérature à partir d'une œuvre considérée comme autonome, absolue, c'est-à-dire aussi indépendante de son auteur ; or c'est bien dans la coïncidence de l'auteur, du narrateur et du héros du récit que se définit l'autobiographie.

L'histoire de l'autobiographie est celle de la progressive conquête de l'expression personnelle par un de ses genres, dont l'objet est ce discours personnel. Car il y a de l'autobiographie hors de l'autobiographie, et avant elle. L'écriture, mise à distance de soi, joue un rôle au sein des « pratiques de soi » (Michel Foucault, Histoire de la sexualité, 1976-1984) qui se développent, dès les premiers siècles de notre ère, sous l'influence conjuguée de la philosophie antique et de la religion chrétienne : les Confessions (397-401) d'Augustin en sont un témoignage, qui portent la vie de leur auteur en exemple – comme la vie de Socrate l'était devenue au travers des ouvrages de Platon –, mais sous le regard de Dieu, et en s'adressant à lui. La vérité naît de cette rencontre entre un destinataire pris comme garant et un auteur tenu comme lieu : l'âme chrétienne, dans ce « christianisme de la première personne » (Georges Gusdorf, « De l'autobiographie initiatique au genre littéraire », in Revue d'histoire littéraire de la France, nov.-déc. 1975), trouve avec l'autobiographie un discours privilégié. Les Essais (1580-1588) de Michel de Montaigne poursuivent ce lien entre le discours intime et la vérité, et accentuent l'imbrication de la pensée et de la vie, en faisant de l'écriture elle-même le lieu où celle-ci peut se séparer du monde pour qu'advienne une subjectivité, tandis que le Discours de la méthode (1637) de René Descartes donne à l'autobiographie une dignité philosophique : le discours de vérité trouve son fondement et sa raison dans le discours autobiographique.

Ce modèle intime se développe à l'époque moderne dans la fiction romanesque, où le jeu avec la référence autobiographique permet de nourrir la narration, comme chez Tristan L'Hermite (Le Page disgracié, 1642) ou d'Assoucy (Les Aventures burlesques de Monsieur d'Assoucy, 1677). Le Werther (1774) de Goethe, le René (1805) de Chateaubriand, plus récemment les romans d'Hervé Guibert (1955-1991) jouent de cette perméabilité de la référence et de la fiction, de l'autobiographique et du romanesque. La fiction pure trouve aussi dans l'autobiographie un modèle, comme dans La Vie de Marianne (1731-1742) de Marivaux. Mais ce modèle se fait jour plus clairement encore dans des Mémoires d'origine judiciaire qui prennent pour objet le rapport d'une vie individuelle avec l'histoire collective. Écrivent des Mémoires les grands qui peuvent y prétendre, souvent vaincus par l'histoire publique : le genre se développe contre l'historiographie royale, et le cardinal de Retz, La Rochefoucauld, Saint-Simon, ou Mlle de Montpensier, comme Agrippa d'Aubigné dans Sa Vie à ses enfants (1629), affirment une vérité personnelle qui dément le discours officiel de l'histoire ; c'est pourtant la vérité historique qui y est interrogée, et non l'existence intime de leur[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres modernes, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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